Dans une sorte d’introduction, l’auteure, une jeune Lorraine, écrit :
« Juin 1940 : Cette fois, c'est la guerre. Les Allemands sont à Vaucouleurs. 6 kilomètres ! Effrayées, les femmes de la maison m'ont dit :
"Prends le volant. Je l'ai pris et ce geste a orienté toute ma vie"
À peine vécu et déjà raconté à mon père prisonnier des Allemands, puis aux grands-mères qu'on n'avait pas pu emmener, ce témoignage des années de guerre aurait pu disparaître. Mais les amis, les enfants, m'ont encouragée à fixer par écrit cette odyssée familiale ».
D’un volume très conséquent, avec un souci de passer habilement la contextualisation du récit, cet ouvrage est très plaisant malgré le peu de souvenirs agréables que cette période a laissé à la narratrice. L’exode conduit cette jeune fille à Montauban (en passant d’ailleurs par Vichy, qui n’est encore connue que comme ville de cure), après plusieurs semaines c’est le retour dans les Vosges où ses parents étaient instituteurs avant-guerre. Le père, ancien combattant de la Grande Guerre, est libéré pour cette raison. La narratrice se retrouve assez vite enseignante en Lorraine (hors Moselle quasiment annexée, sans signature de traité de paix) les lettres françaises et classiques à des élèves guère plus jeunes qu’elle.
Bien qu’enseignants en milieu laïc, l’ensemble de la famille a de fortes convictions catholiques qui l’ont amené à pleurer sur le sort des ecclésiastiques espagnols et souhaiter la victoire de Franco. Toutefois, d’après les écrits (rédigés largement un demi-siècle plus tard), la posture de Pétain lui parut critiquable dès son choix de demander l’Armistice. Discrète sur son rôle de porteuse de messages de la Résistance et sur son engagement, Raymonde Sigalas-Royer ne cherche pas à étonner son lectorat mais à faire passer l’atmosphère qu’elle respira entre juin 190 et mai 1945. Les circonstances lui procurent un mari qu’elle n’aurait sûrement jamais rencontré sans les déplacements de population que cette guerre causa.