Avis de Xirong : "Pétain : Une figure tragique éternellement errante... À mi-chemin entre la trahison et le sacrifice"
«Une figure tragique éternellement errante... À mi-chemin entre la trahison et le sacrifice» est une phrase de Mauriac qui rend compte du procès Pétain pour le "Figaro", cette réflexion est reprise à la dernière page de la BD "Juger Pétain".
Mettre en scène en bande dessinée un procès relève d’une tâche difficile, arriver à le faire au sujet de celui du maréchal Pétain en étant intelligible pour un lectorat allant des adolescents aux adultes est déjà méritoire mais en plus y glisser quelques innovations graphiques comme cette carte postale de Vichy ville thermale page 57 (ou la carte professionnelle du médecin et confident du maréchal ou encore une publicité pour les pastilles de Vichy …) qui semble servir de marque page entre les pages 56 et 57 relève de l’exceptionnel. Ici un dessin allié à un texte adéquat, rend d’ailleurs très bien une idée comme celle d’un Laval ne s’encombrant pas d’idéologie mais gardant une constante celle du pacifisme depuis la fin de la Première Guerre mondiale (où il était socialiste SFIO) jusqu’à la fin de ses jours (alors qu’en 1927 son passage au Sénat marque son passage au centre-droit), ce dernier déclarant :
« Alors moi, la gauche, la droite, je suis passé de l’une à l’autre sans souci : l’idéologie, très peu pour moi… Mon truc, c’est la paix ! . Je… Je tuerais pour la paix ! » (page 100)
Laval s’exprime en ayant un pied à gauche et un pied à droite, une ligne blanche frontalière séparant ces deux espaces.
Les trouvailles scénaristiques ne manquent pas non plus comme quelques doubles-pages espacées dans le cours du récit qui raconte sous forme de journal la complexité des rapports que Philippe Pétain entretient avec l’Allemagne et en particulier avec l’esprit de défaite de la France, lui qui a 14 ans en 1870. Tous les personnages intervenant dans le procès Pétain comme juges, avocats témoins et principaux journalistes sont présentés au moment où ils entre en scène. Parmi les jurés seul Pierre Bloch est cité et seul son rôle de petit télégraphiste des souhaits du gouvernement en matière de sentence est explicité. Nous rappellerons qu’il est à cette époque de l’été 1945 un ex-député socialiste et qu’il le redeviendra à la fin de la même année.
Outre que de permettre de reconstituer les évènements clés de la Seconde guerre mondiale, le récit évoque très largement les faits d’actualité phares pour un lecteur français de journal du 8 mai 1945 au 14 août 1945, c’est-à-dire la date du verdict du procès Pétain. Ceci veut dire qu’une peine page est consacrée à l’explosion le 6 août 1944 de la bombe atomique sur Hiroshima.
Rappelons que "Vert de gris" était le surnom, désignant péjorativement les soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale en raison de la couleur de leur uniforme. Cette BD en vert de gris, noir et blanc est un véritable chef-d’œuvre qui vulgarise merveilleusement l’histoire. On attend que les mêmes auteurs puissent nous livrer leur projet de réaliser une BD intitulée par exemple "Le procès Barbie".
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations