Avis de Benjamin : "Aux origines de l’arrestation de Jean Moulin à Caluire, la rue Paradis à Marseille"
Pour connaître les endroits en rapport avec notre sujet, et en particulier situer le 425 rue Paradis à Marseille (numéro 42), on se reportera à http://www.museedelaresistanceenligne.org/ici_meme/. Sur google, on voit qu’aujourd’hui les locaux de la Gestapo sont aujourd’hui occupés par une boulangerie et une agence de la BNP. Il est à noter que, depuis son agrandissement au XIXe siècle, la rue Paradis atteint trois kilomètres.
Sur le sujet de Marseille sous l’Occupation, on pouvait déjà avoir une approche avec le tome premier de la BD Les Mystères de la quatrième République (chez Glénat) où le commissaire Coste avait enquêté sur des faits qui étaient la conséquence d’évènements en lien avec le fait que Marseille avait été fortement marquée par la collaboration avec les Allemands, de son milieu derrière Simon Sabiani (ancien communiste devenu le second de Doriot au PPF), Carbone et Spirito. Un chapitre de l'ouvrage Ernest Dunker et la gestapo de Marseille est d’ailleurs destiné à nous présenter le trio Sabiani, Carbone et Spirito qui ont agi de conserve dès le début des années 1930 pour tenir Marseille.
Par ailleurs on dispose aussi du titre "Les Bouches-du-Rhône dans la guerre 1939-1945" de Robert Mencherini.
L’ouvrage Ernest Dunker et la gestapo de Marseille a la particularité d’évoquer non seulement l’action de celle-ci mais également les conséquences qu’elles eurent sur la Résistance française. Ceci pas seulement localement mais nationalement ; en effet Ernest Dunker (surnommé Delage) ayant retourné Jean Multon agent d’assurance poitevin avant-guerre, on peut dire en simplifiant que ce dernier identifie et retourne René Hardy ce qui a pour conséquence l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin 1943. On retrouvera donc sans surprise aussi Lydie Bastien qui pourrait avoir séduit René Hardy à la demande des Allemands (page 104).
« Arrestations brutales, bastonnades, tortures et exécutions sommaires ne doivent cependant masquer la seconde originalité phocéenne : l’importance de la trahison. Celle connue, de Multon, secrétaire de Chevance, l’adjoint de Frenay, fondateur de Combat ; celle aussi, plus tardive et surtout pratiquement ignorée, de Maurice Seignon de Possel, agent des services spéciaux d’Alger parachuté en Provence ». (page 9)
À ces deux-là, on peut même rajouter Léon Brown, ingénieur radio devenu responsable régional des Groupes Francs, arrêté par Duncker à Toulon le 23 avril 1943, qui devint agent de la gestapo à Marseille une semaine plus tard.
Ernest Dunker
Ernest Dunker lui fut fusillé le 6 juin 1950, trois ans après sa condamnation et près de cinq ans après son arrestation. Ce jour-là il avoue que c’est lui en fait qui dirigeait secrètement le contre-espionnage à Marseille et que même le lieutenant-colonel Wilhem Nölle (dernier chef de la Gestapo de Marseille) lui était subordonné pour toute décision. Ernest Dunker officiellement n’est qu’un sous-officier.
Proxénète, trafiquant et voleur dans le Berlin des années trente (il est né en 1912 en Saxe), il espionne déjà en France où il est envoyé sur les côtes méditerranéennes puis atlantiques, en Italie à Rome puis Milan, en Grande-Bretagne et aux USA où il est au moment de la déclaration de guerre. Durant tous ses séjours à l’étranger, il travaille dans l’hôtellerie. Il parle donc parfaitement le français et l’anglais.
Blessé à la hanche, lors de la bataille de Dunkerque, il est ensuite affecté à l’Abwehr (le service de renseignements de la Wehrmacht), ceci lui vaut une arrestation en Tunisie en novembre 1940 mais il est vite relâché par pression des Allemands sur les autorités vichyssoises. La SS met la main sur tous les services de police des territoires occupés aussi notre personnage rue des Saussais à Paris où loge la gestapo. Son supérieur est l’adjudant Hans Sommer, ce dernier se rend à Marseille en juin 1942 afin de préparer, avec l’accord de Vichy, une action visant à localiser les émetteurs alliés en zone libre. Il s’agit de l’opération Donar qui se déroule en septembre et est conduite par des Allemands en civil, dotés de faux papiers fournis par l'État français. Durant cet été 1942 Sommer noue des contacts avec Simon Sabiani (fin connaisseur du milieu marseillais) et après l’occupation de la zone sud Hans Sommer travaille au consulat allemand de Marseille.
Devenu sergent-chef, Dunker arrive à Marseille fin février 1943 (page 31) comme interprète. Toutefois grâce au capitaine Helmut Hasse-Hayn, Dunker va prendre d’autres responsabilités. Près de cinq cent Français sont répertoriés, à la fin de l’Occupation, comme agents de la police allemande basée à Marseille. Parmi ceux-ci, une ancienne secrétaire de Léonce Amphoux, directeur d’une société charbonnière. Après l’arrestation de ce dernier pour faits de Résistance, elle offre ses services à Dunker pour démanteler les réseaux de Résistance. L’instituteur Jean Salducci, secrétaire général de la Fédération unitaire de l’enseignement de 1932-1935 (organisation membre de la CGTU) fut une des personnes qui lui doit son arrestation (page 64). On peut d’ailleurs reprocher aux auteurs de ce livre d’avoir biaisé le portrait qu’ils en font, le lecteur ne pouvant absolument pas penser qu’il appartenait au mouvement de L’École émancipée. Ma remarque n’est pas anodine car des instituteurs syndicalistes révolutionnaires connus tombèrent, par ultra pacifisme, dans la Collaboration.
Le 16 juillet 1944 plusieurs camions amènent des résistants qui se positionnent aussitôt aux différentes entrées d'un village bas-alpin Oraison, en fait il s’agit de Français supplétifs de l’armée allemande déguisés en maquisards. Une réunion du CDL est prévue pour l'après-midi dans un bar du village. Vers 15 h, une fusillade éclate et les véritables résistants ainsi que les civils qui ont manifesté leur sympathie pour la France libre sont arrêtés. Maurice Seignon de Possel-Seydier est à l’origine des informations qui ont permis de monter ce guet-apens. Au sujet de Maurice Seignon de Possel-Seydier qu'il a abattu de sa main la nuit du 7 au 8 août 1944, Dunker déclare : « J'avais de l'aversion pour ce traitre. C'était un individu méprisable ».
Maurice Seignon de Possel-Seydier
Le 15 août 1944 c’est le débarquement des Alliés en Provence. Dunker quitte la ville cinq jours plus tard, il emmène avec lui quatre agents français et sa maîtresse. Il se replie en Suisse mais avec des faux papiers revient à Paris où les parents de sa femme tiennent un hôtel ; toutefois il est dénoncé par un ancien gérant de bar avec qui il avait trafiqué dans la capitale. Son arrestation date du 7 mai 1945. Outre des organigrammes, une liste des abréviations, l’ouvrage contient un tableau de correspondance de l’ensemble des grades dans la Wehrmacht, les SS et l’armée française (cela reservira sûrement au lecteur). Par contre, il y absence de photographies; celles que nous proposons ne sont pas dans le livre.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations