Avis de Adam Craponne : "Des juifs séduits puis rejetés par les fascistes italiens"
L’essentiel de la communauté grana descendaient d’Espagnols de 1492 qui avaient trouvé refuge au Portugal pour s’y voir christianisés de force car en 1497 le roi Manuel Ier promulgua un nouvel édit en ce sens. Toutefois certains Juifs convertis restèrent secrètement fidèles à la religion hébraïque et l’émigration se fit progressivement essentiellement vers Bordeaux, Amsterdam et Livourne.
En 1548 les juifs hispaniques sont invités par Côme Ier Médicis à s'installer dans le port de Livourne. Durant l’année 1593, Ferdinand Ier de Médicis publie un édit de tolérance qui accorde la liberté du culte juif, l’autorisation pour les convertis à revenir à la foi de leurs ancêtres, le droit à la propriété et l’accès au titre de sujet toscan. Le grand-duché de Toscane perdurera aux mains des Médicis jusqu’en 1737 ; avec l’extinction de cette dernière lignée, il passe aux Habsbourg.
Dans la seconde partie du XVIIe siècle, les commerçants juifs de Livourne ouvrent des comptoirs à Tunis. Ces marchants constituent une oligarchie au sein de l’ensemble de la communauté juive de Tunisie. Un tribunal religieux qui est propre à ces Granas apparaît en 1710 ; il est distinct de celui de leurs coreligionnaires, parfois présents sur le sol du Maghreb oriental depuis l’Antiquité ou à défaut depuis l’époque médiévale (certains descendants de Berbères convertis). Ces derniers se nommant eux-mêmes sons l’appellation de "sainte communauté des autochtones" ou les Twânsas. En 1860, les membres de la communauté des Granas ne sont plus de nationalité toscane mais deviennent italiens. En 1894, la Tunisie passée sous l’aile protectrice de la France depuis une vingtaine d’années, est imposé le Grand rabbinat de Tunisie où se côtoient les deux communautés.
En Tunisie les Européens sont très majoritairement italiens et la France tente de grossir artificiellement le nombre de ses nationaux par différentes lois. La loi du sol et l’intégration des Maltais sont les axes de cette inflation du nombre de Français. Toutefois les Granas continuent à se sentir italiens au milieu d’une large communauté où d’ailleurs on compte nombre d’originaires de la Sicile.
On sait que Margherita Sarfatti, née Margherita Grassini à Venise le 8 avril 1880, dans une famille juive aida largement Mussolini à sa constituer un bagage culturel dès 1912. Dans la mouvance des idées socialistes et nationalistes, elle pousse ce dernier à basculer dans le camp des partisans de la guerre au côté de la France et de l’Angleterre. Elle épouse l’avocat Cesare Sarfatti, ami de D’Annunzio. Dans la seconde partie des années trente, l’alliance avec Hitler, les massacres en Abyssinie, la publication des lois raciales de 1938 mettent fin à ses illusions sur le destin du Duce dont elle a contribué très largement à construire le mythe d’ailleurs autant à l’étranger qu’à l’intérieur de l’Italie (où elle a mobilisé sa fortune, ses écrits, ses réseaux, son sens politique).
Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les Faisceaux italiens de combat apparaissent et novembre 1921 voit la création du Parti fasciste. Certains Granas adhérent ou soutiennent financièrement le parti fasciste très influent chez les Italiens catholiques présents dans le pays. Ceux qui s’opposent deviennent plus nombreux après la promulgation des lois raciales en Italie et sont parfois victimes des actions de l’OVRA la police politique de l’Italie fasciste. Des Granas qui avaient combattu dans les rangs de l’armée italienne, y compris dans la très récente Guerre d’Éthiopie, renvoyèrent leurs médailles. Les juifs italiens fréquentaient le réseau des écoles et hôpitaux tenus par leurs compatriotes catholiques, ils les désertèrent à la veille du conflit.
Par contre durant la période de l’autorité vichyste en Tunisie soit jusqu’en 1943, les autorités italiennes demandèrent que les mesures frappant les juifs ne s’appliquent pas à leurs nationaux. Suite au débarquement des Alliés en Afrique du nord, l’occupation allemande de la Tunisie se réalise de novembre 1942 à mai 1943 ; une fois de plus les représentants du Duce interviennent parfois dans la capitale ou ses environs afin d’épargner certaines contraintes ou violences aux juifs de nationalité italienne. Il s’agit plus toutefois ici de faire montre d’autorité dans une Tunisie qui devrait devenir italienne après la conclusion d’une paix victorieuse pour Rome plus que d’un réel souci des intérêts de la population israélite en question.
Pour connaisseurs Aucune illustration