André Besson, dans l’ouvrage Une poignée de braves (traitant essentiellement de la Résistance dans le Jura), consacrait un chapitre à Paul Koepfler car c’est pour l’essentiel à Poligny que ce Belfortain (né d’une mère alsacienne ayant fui l’Empire allemand avec son mari en juillet 1914) mena ses activités patriotiques. Et c’est même dans cette cité que le 31 mars 1943, il fut abattu devant l’hôtel de ville par la Gestapo. C'est vers 17 heures environ que Paul Koepfler était venu au Café de l’hôtel de ville tenu par Mme Cretin. Il était accompagné de l'un de ses amis Fernand Valnet, dit Charlot. Deux inconnus entrent peu après et bientôt tentent d’arrêter notre personnage qui en essayant de quitter le café est tué. La dénonciation de la présence de Paul Koepfler est due à une fuite volontaire d’un chef de la Résistance qui voyait là un gêneur à faire éliminer avantageusement par les Allemands. Marie-Claude Pelot ne donne pas son nom mais indique que le délateur a été exécuté en septembre 1943.
Poligny était en zone libre mais non loin de la zone interdite (ou zone réservée) destinée à être repeuplée de Germains (voire accessoirement d'Italiens du Trentin) et comme le signale l’auteure on peut circuler du milieu 1940 au milieu 1944 de Mouchard jusqu’à Berlin sans être embêté par le moindre douanier. Le Jura compte aussi un très petit nombre de villages en zone occupée et cette nouvelle frontière dure du 25 juin 1940 au 1er mars 1943, ceci bien que les Allemands aient envahi la zone sud le 11 novembre 1942.
Paul Koepfler avait agi dès l’automne 1940 pour aider des gens à passer en zone libre, parmi ceux-ci des juifs et des Alsaciens qui refusent de redevenir allemands. Le passage se fait aux environs de Mouchard située dans le Jura mais non loin de communes du Doubs. Bref on est dans l’espace géographique où se déroule la série télévisuelle Un village français. Paul Koepfler avait été arrêté le 3 mars 1941 prés d’Arbois alors qu’il retournait à Belfort, mais hospitalisé à Besançon (après une tentative de suicide) il avait bénéficié de complicités pour s’évader de l’hôpital bisontin Saint-Jacques. À l’automne 1941, après un temps de convalescence, il avait repris ses activités clandestines.
L’auteure a écrit un livre très documenté et remarquablement bien contextualisé, de plus il est assez largement illustré. À travers le récit d’une vie, elle dresse une le portrait non seulement de la vie dans un espace géographique particulier (en gros tout l’est de la Franche-Comté) durant quatre années mais aussi explique bien en quoi certains jusqu’en 1943 peuvent relever de la catégorie des vichysso-résistants. Par ailleurs dans cette Franche-Comté qui subit rudement les invasions de 1870 et 1815 un fort patriotisme semble animer certains gendarmes et le réseau auquel appartient Paul Koepfler bénéficie de leur complicité active. Certains dans notre titre auront reconnu une allusion à un film de Romain Goupil, ceci est d’ailleurs en lien avec l’actualité puisque ce dernier se disant maintenant libéral-libertaire fut un soutien médiatique d’Emmanuel Macron (voir http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/20/a-nantes-un-macron-pro-europeen-qui-refuse-de-desarmer-la-france_1563941)
Musée de la Résistance de Besançon
coup de coeur !
Bonjour Benjamin,
Merci pour l’intérêt que vous portez à mon héros Paul Koepfler. Votre titre est percutant, mais l'analogie que vous faites avec le film de Romain Goupil : "mourir à trente ans" ne vaut que si Paul Koepfler s'est suicidé.
Vous reprenez la thèse devenue officielle au fil des années, de la tentative de suicide de Paul koepfler en prison. Mes recherches me permettent de poser une autre hypothèse étayée par plusieurs faits qui démontrent que cette auto-mutilation relève d'une stratégie d'évasion murement réfléchie :
- dans le rapport allemand portant sur l'arrestation à Besançon de René Koepfler, le frère de Paul, et la saisie d'un nombre considérable de lettres, on apprend que le SD place des guetteurs à la gare de Besançon et celle de Belfort afin de capturer Paul Koepfler (ces guetteurs sont de jeunes belfortains au nom rendu illisible et au service des Allemands). A Besançon, ces guetteurs sont abordés par un Espagnol Miguel Pamier, ami de Paul koepfler, qui leur propose le passage de la Ligne, Ils se disent eux-mêmes passeurs, sympathisent et questionnent Pamier sur Paul Koepfler, C'est là que Pamier, en confiance, confie à ses faux amis que Paul Koepfler s'est volontairement coupé la gorge pour se faire transporter à l'hôpital et s'évader, il donne même son adresse, rue de la Madeleine à Besançon. Miguel Pamier et René Koepfler sont arrêtés et très vite déportés.
- Autre fait significatif : Valnet et Koepfler savent qu'ils risquent leur vie, ils sont amis, en contact fréquents, ils ne peuvent pas ne pas avoir discuté et réfléchi à une stratégie d'évasion : Etre retrouvé apparemment mourant et envoyé à la morgue de l'hôpital. Valnet en prison à la Butte, peu de temps après Paul Koepfler, avale de l'acide picrique que lui a apporté son fils. L'acide picrique provoque une petite mort avant de déclencher une banale jaunisse. Valnet, comme Koepfler, est transporté à la morgue de l'hôpital d'où il s'évade. Valnet, agriculteur et transporteur, peut difficilement connaître, a priori, les effets de l'acide picrique. Il a sans doute recherché, dans la perspective d'une arrestation, un produit accessible, efficace et inoffensif et se l'est procuré à l'avance.
- Une similitude troublante entre la technique d'évasion de Jean Moulin en juin 1940 (On dit aussi qu'il a voulu se suicider), et celle de Paul koepfler amène la dernière goutte d'eau à mon moulin. Paul Koepfler, rétabli, arbore fièrement un foulard qui cache sa cicatrice, imite-t-il sciemment Jean Moulin ?
Jean Moulin est venu dans le Jura, on est sûr qu'il a atterri à Bletterans ; Paul Koepfler est à quelques "enjambées" de Bletterans. Il va à Lyon. Il n'est pas invraisemblable que Koepfler connaisse ou ait entendu parler de Jean Moulin, de son courage, et qu'il l'admire.
- Le dernier point n'est que pure spéculation, mais la chose est imaginable si on associe la popularité de De Gaulle dans les rangs de l'équipe de Paul Koepfler et Jean Moulin
On mesure la popularité de De Gaulle dans les dépositions au tribunal allemand des passeurs capturés lors de la rafle du 31 mars 1941 visant à capturer Paul Koepfler. On trouve la précision d'avoir passé des prisonniers de guerre évadés pour les faire rejoindre l'armée de De Gaulle. Or en 1941, l'armée de De Gaulle est une fiction.
On retrouve également cette mention dans des dossiers des passeurs de l’équipe, constitués après la guerre.
Rappelons que Paul Koepfler voulait initialement rejoindre De Gaulle après l'appel du 18 juin et qu'il a opté pour l'engagement immédiat à Poligny dans une action caritative et de résistance à l'occupant. Notons aussi que la résistance polinoise très précoce et pétainiste devient rapidement gaulliste, il y a probablement eu osmose entre Paul Koepfler et les résistants. Qui a semé le ferment du gaullisme, qui est la poule, qui est l’œuf ?
Compte-tenu de ce qui précède, il n'est pas totalement absurde d'imaginer l'influence, l'aura de Jean Moulin sur Paul Koepfler ? On sait que Jean Moulin ne rejoint Londres qu'en septembre 1941, mais qu'il s'est fixé cet objectif dès novembre 1940.
Vous parlez de la série télévisuelle "Un village français" Je l'ai d'abord ignoré pensant "Encore un remake de..", puis suivi un soir parce qu'il n'y avait rien de plus intéressant à la télévision. J'ai été sidérée par la justesse du ton et la délicatesse avec laquelle les problèmes liés à l'occupation et les turpitudes de la vie ordinaire sont traités, les Juifs, les communistes, le maquis, la milice, l'administration française ; du coup, j'ai acheté la totalité de la série et n'ai pas été déçue, Les interviews de Jean-Pierre Azéma en fin d'épisode recadraient intelligemment le sujet. Avez-vous aimé ?
L’auteur Marie-Claude Pelot