Avis de Alexandre : "Y'a de l’Ajoie et du soleil dans les ruelles"
L’Ajoie est la région nord de l’actuel canton du Jura, c’est la région de Porrentruy frontalière et du Doubs, du Territoire de Belfort et du Haut-Rhin. C’est un territoire entièrement francophone et très largement catholique car il dépendait de l’évêque de Bâle jusqu’à la Révolution.
La Suisse craint qu’après être pasé par la Belgique en 1914, les Allemands passent en 1939 ou 1940 par la Suisse bien que le terrain soit bien moins plat. D’ailleurs dès 1936, le général suisse Henri Guisan collabore avec les services français ; devenu général de l’armée suisse en 1939, il propose un plan visant, en cas d’invasion de son pays, à replier l'armée dans l’arc alpin. Ce qui vent dire que l’Ajoie ne sera pas défendu. En juin 1940, la Suisse défend son espace aérien et atteint quelques avions allemands. En 1944 des Messerchmitts de l’armée suisse seront abattus par l’aviation américaine qui les prendra pour des avions de la Luftwaffe.
En juin 1940, près de 30 000 réfugiés et 50 000 militaires alliés sont comptabilisés en Ajoie ; on relève page 80 une photo de soldats de la division polonaise arrivant à Porrentruy. Avec l’Armistice et jusqu’au 11 novembre 1942 la grande majorité des postes frontaliers entre la France et la Suisse sont dans la zone occupée. Des Alsaciens, refusant de servir dans la Wehrmacht trouvent refuge en Suisse et le général Giraud, lors de son évasion, passe par l’Alsace et l’Ajoie. La question complexe de l’accueil et du refoulement des juifs et celle du passage des pilotes alliés abattus sont présentées. Notons qu’Irène Joliot-Curie arrive le 6 juin 1944 en Ajoie, son mari s’apprêtant, pour la Libération de Paris, à populariser le cocktail Joliot-Curie, cousin de cocktail Molotov. Arthur Nicolet, futur rédacteur du Jura libre, est présenté de façon inattendue et étonnante page 80 ; le contenu proposé est en contradiction avec celui issu de la Revue militaire suisse qui est présent ici https://docplayer.fr/81312342-Arthur-nicolet-poete-et-legionnaire.html.
La contrebande s’intensifie largement et dans les deux sens, car des ouvriers français détournent de la poudre de diamants pour la faire envoyer en Suisse (page 47). La Suisse collabore avec les services secrets alliés également et de façon même encore plus intense, on le voit avec Une résistance franco-suisse d’Yves Mathieu pour le réseau Micromégas. En Ajoie nous sont présentés les hommes qui agissent, qu’ils soient ceux qui recueillent les informations ou ceux qui les collectent sur le terrain. Le Belfortain Albert-Charles Meyer est de cela, il est arrêté le 11 novembre 1944 mais il parvient à s’évader et son entrée dans l’armée de carrière le conduira jusqu’aux responsabilités de général (en 2014, la ville de Belfort a inauguré une place à son nom). Si des Suisses installés en France entrent dans la Résistance, comme le radioélectricien Roger Glasson, d’autres ont servi les Allemands début 1940 comme François Nussbaumer ou en 1944 comme Philippe Flückiger.
L’insolite fin mai ou début juin 1944 est l’arrivée de prisonniers hindous en Ajoie ; ils étaient captifs depuis 1942 car tombés aux mains des Allemands en Lybie. Retenus à Épinal, ils avaient profité d’un bombardement allié pour s’évader (page 130-131). Ce n’est qu’en août 1944 que s’organise le maquis de Lomont, au sud de Montbéliard et non loin de l’Ajoie, son histoire est contée à la fin de l’ouvrage. Le 3 octobre, le général de Lattre est au fort du Lomont pour réfléchir à la future campagne d’Alsace. Notons que l'auteur est le co-président suisse de l'Association des amis du Kilomètre Zéro, lieu d'intersection entre la frontière suisse et le front franco-allemand entre 1914 et 1918.
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