Avis de Octave : "Une tondue peut en cacher d’autres"
Le 16 août 1944, Robert Capa fixe sur la pellicule des femmes tondues, à la préfecture d’Eure-et-Loir, et en particulier Simone Touseau ; le cliché la montrant, avec son bébé dans les bras, est dans les livres scolaires de nombreux pays européens ou non. Toutefois à l’époque ce ne sont pas les faits se passant à Chartres qui sont médiatisés mais ceux qui se déroulent, le même jour, à Nogent-le-Rotrou, une des deux sous-préfectures du département qui nous intéresse.
En effet un journaliste britannique est sur place ce jour-là et c’est lui qui permit aux émissions en français de Radio-Londres de rapporter les faits en les cautionnant largement. En cette fin d’août 1944, ce poste est écouté dans une grande partie de la métropole sans risque et sans brouillage (les Allemands qui en interdisaient l’usage, ont d’autres chats à fouetter). Ainsi cette pratique de couper les cheveux à des femmes, accusées bien souvent uniquement d’avoir eu un amant allemand, est largement connue en France à partir de cette date.
L’illustration, dans l’ouvrage Les tondues de Nogent-le-Rotrou: histoire d’un tabou, occupe près de la moitié de la surface, avec des photos d’époque prises par des habitants. Gérard Leray s’intéresse aux acteurs de ce spectacle (avec en prime, un épisode de trempage forcé de postérieur féminin), car cela en fut bien un pour deux mille personnes, en majorité des habitants de Nogent-le-Rotrou. Sachant que cette commune comptait à la déclaration de la Seconde guerre mondiale à peine plus de 7 000 habitants et qu’en 1944 il est raisonnable de ne lui en donner qu’environ 6 000, c'est donc un Nogentais sur trois qui est présent.
Rappelons qu’à part quelques très rares villages des Ardennes, cette pratique de la tonte n’est généralisée qu’en Belgique pour la Première Guerre mondiale. Ceci alors qu’en zone occupée, nombre de Françaises ont eu des relations suivies avec un militaire allemand. C’est d’ailleurs le cas de la première épouse que Henri Massin a laissé à Roye au début août 1914 ; il divorce pour cette raison et épouse une institutrice de la Beauce, veuve d’un instituteur mort au champ d’honneur (lire La Maîtresse d’école : Trente années de la carrière d’une institutrice).
Notons par ailleurs que durant L’Occupation, l’inspecteur primaire en résidence à Nogent-le-Rotrou est Marc Villin qui a coécrit un ouvrage édité à l’identique sous deux titres en 1987 et 1990 La Galerie des maîtres d’école et des instituteurs 1820-1945, puis en 1998 devenu La Naissance de l’instituteur. Il consacre plusieurs pages intéressantes à son séjour dans l’Eure-et-Loir durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier à la politique scolaire entreprise par un de ses inspecteurs d’académie sur ordre des ministres des gouvernements de Vichy et la répression locale qui frappe le milieu enseignant. Par ailleurs, au collège (qui alors prépare au baccalauréat) on trouvait, comme professeur de grec et philosophie, Jean Héritier proche du Rassemblement national populaire de Marcel Déat. Auteur de divers articles dans la presse ultra-collaboratrice, il quitte la France et sa fille raconte leur séjour en Allemagne de fin 1944 au printemps 1945 (voir 17 août 1944, il est grand temps de faire ses paquets).
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
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