Avis de Alexandre : "Ne pas confondre mégasioniste et négationiste"
Il s’agit du catalogue de l’exposition éponyme qui se tient au Musée de la Shoah du 19 janvier au 30 octobre 2017. Depuis la Seconde Guerre mondiale la BD s’est progressivement imposée comme un média de masse qui certes gardait de fortes positions dans l’univers de la littérature de jeunesse mais qui s’imposait progressivement dans l’univers culturel des adultes. Le temps n’est plus où l’on pouvait voir des lignes vengeresses d’académiciens contre le neuvième art. Morris (créateur de Lucky Luke) et Pierre Vankeer ont d’ailleurs créé en 1964 ce qualificatif de neuvième art pour la BD.
Bien que certaines vignettes fassent allusion avant 1985 à la Shoah c’est dans les années qui suivent que la Shoah devient une dimension importante dans une intrigue. Le tournant est évidemment la parution de Maus d’Art Spiegelman en 1986.
L’ouvrage rappelle que des anciens déportés réalisèrent des dessins pour rendre compte de leur vécu et que ceux-ci purent servir d’inspiration à des créateurs de BD. On oublie toutefois de citer parmi ceux-ci Anna Garcin Mayade, professeure de dessin au lycée de Brive, qui fit don de ses dessins, lavis ou huiles au Musée Edmond Michelet de la ville (consacré à la Résistance) où ils sont exposés.
Plus regrettable est l'impasse faite sur la BD Un été en enfer: camp de Natzweiler-Struthof 1942 (aux éditiions du Signe); en effet ce titre d'une grande qualité est le seul (en français) centré sur la Shoah à pouvoir s'adresser à un lectorat de jeunes scolarisés au cours moyen ou dans les deux premières années du collège. Le deuxième titre à connaître est Irena, 1 Le ghetto de Morvan, Evrard, Tréfouël et Walter mais il n’est sorti que début 2017 en France , on peut donc mieux comprendre qu'il soit absent de catalogue d'exposition. On a vu sortir début 2017 (mais en 2016 en Royaume-Uni) également pour les enfants d'une dizaine d'années Rescapés de la Shoah. Ces trois albums sont d'une très grande qualité.
Dès la Libération de l’Europe occidentale, on trouve des allusions au sort des juifs que ce soit en Europe avec La bête est morte de Calvo ou aux USA dans un récit intitulé Photo fighter. Mis-à-part Captain America (et encore en avril 1945), aucun super-héros ne s’attaque aux gardiens des camps de la mort alors que nombre d’entre eux luttent contre Hitler ou d’autres chefs nazis.
Passé totalement inaperçu en Europe et resté peu lu aux USA, le récit Master Race est paru dans une revue de comics aux USA en 1955. Là sont mis en scène les souvenirs d’un commandant de camp de concentration et sa rencontre à New-York avec une de ses anciennes victimes. L’ensemble de ce récit, qui court sur huit planches, est reproduit avec sa traduction en français et son contenu est analysé planche par planche. On remonte généralement le temps de la production pour découvrir de nombreux extraits de BD.
Non seulement cet ouvrage est composé de partie égale entre le texte et l’illustration mais il porte une riche réflexion sur les contenus et formes des nombreuses BD qu’il évoque. Deux chapitres seront particulièrement remarqués, celui sur les œuvres produites par des négationistes et celui autour de l’interdiction en France en 1988 de l’album Hitler = SS alors que deux années auparavant ses planches avaient été publiées dans Hara-Kiri. Rappelons que les auteurs de cette BD ont voulu caricaturer avec un humour noir l’atroce réalité des camps de concentration. Notons que dans les pays limitrophes de la France, seule l’Espagne a interdit cet album (il semblerait toutefois qu’il n’y ait pas eu de version allemande). On note de plus des pages consacrées au massacre des Arméniens et d’autres au génocide rwandais.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
