Avis de Adam Craponne : "D’autres juifs sous le joug des gouvernements de Pétain"
La situation des juifs en Afrique du nord durant la Seconde Guerre mondiale est largement méconnue et très différente selon que l’on soit en Libye (colonie italienne), en Algérie territoire national (avec des départements) ou dans le protectorat du Maroc ou dans celui de Tunisie. Ce dernier connaît sur son sol la présence de troupes allemandes et italiennes qui arrivent après que les Anglo-américains aient débarqué début novembre 1942 au Maroc et en Algérie.
L’ouvrage est composé de quatorze contributions, certaines sont d’ordre général, tout en précisant bien par des exemples concrets que nombre de dispositions et conséquences de celles-ci sont spécifiques à un des trois univers géographique en question. On a d’abord une question par rapport aux souffrances des israélites en Afrique du nord entre 1940 et 1943 pour savoir si celles-ci relèvent ou non de la Shoah. L’auteur de l’article avance que les nazis se voulant combattre le judaïsme mondial, ceux-ci entendaient mener une extermination au niveau international.
On a ensuite une communication autour de la forte présence, en Afrique du nord, d’un antisémitisme à la fois dans la communauté musulmane et à la fois dans le milieu européen ; ceci à des degrés différents, l’Algérie en connaissant l’intensité la plus haute. Les Croix-de-feu se sont transformés en Parti social français en 1936 et ont élargi leur recrutement aux musulmans après le pogrom de Constantine en août 1934 (ville dont Émile Morinaud est le maire redevenu antisémite), les chefs locaux du PSF tiennent souvent des propos contre les juifs. Pourtant leur chef au niveau national, le colonel de la Roque s’était élevé contre les propos antisémites. Les militants du PPF de Doriot tiennent également des discours à l’encontre des israélites. Trois autres communications montrent comment l’Allemagne nazie entend surfer sur ce terreau et développer sa propagande non seulement en Afrique du nord mais dans l’ensemble du monde arabe et en utilisant en particulier la radio.
En Algérie les mesures discriminatoires à l’encontre des juifs commencent avec l’abrogation du décret Crémieux qui faisait des juifs algériens des Français à part entière, non sujets au code de l’indigénat. Il s’applique là également toute la législation antijuive que le gouvernement de Vichy impose à la métropole. La totale abrogation de discrimination légale date d’octobre 1943 avec le rétablissement des dispositions contenues dans le décret Crémieux. Un texte évoque tout ce qui concerne ce décret Crémieux et les réactions que cela suscita chez les musulmans algériens et les Européens. Au Maroc comme en Algérie, les nationalistes critiquèrent les mesures antisémites, un texte traite de façon exclusive du cas marocain.
Un chapitre, composé de cinq communications évoque en particulier le sort de communautés particulières : celle de Mogador (Essaouira aujourd’hui) en Algérie, de Tanger en zone internationale et de Nabeul en Tunisie. Dans ce dernier pays il y a une occupation allemande (contrairement au Maroc et en Algérie) et elle dure six mois, de novembre 1942 à mai 1943. Dans ce même chapitre, on reparle de Tanger du point de vue des réfugiés et des espions à la solde des Allemands mais aussi de l’action caritative d’Hélène Cazes-Benatar en faveur des réfugiés juifs au Maroc, elle a travaillé en liaison avec l’American jewish distribution committee (JDC).
On termine par deux articles qui évoquent la place dans la littérature, le témoignage et l’histoire, de ce pan d’histoire des communautés juives d’Afrique du nord. On signale que nombre d’informations pour l’Algérie sont à trouver dans le Bulletin de la Fédération des sociétés juives d’Algérie qui est sûrement le seul journal français, s’adressant aux israélites, à paraître durant la période 1940-1944.
Pour connaisseurs Aucune illustration