Avis de Benjamin : "Peu importe que l’ayatollah soit noir ou blanc, tant qu’il attrape le Shah"
On reconnaît dans notre titre la parodie d’une formule attribuée à Deng Xiaoping et pas Mao comme le croit Emmanel Macron (voir http://lelab.europe1.fr/peu-importe-que-le-chat-soit-noir-ou-blanc-tant-quil-attrape-des-souris-quand-emmanuel-macron-cite-mao-tse-toung-2528283). On peut commencer par l’épilogue, tant son contenu est intéressant pour comprendre l’esprit général de l’ouvrage. On note en particulier ceci :
« Rétrospectivement, lorsqu’on s’attarde sur les origines de la Révolution islamique de 1979, il est difficile de ne pas remarquer que tout a commencé avec les discours pro-démocratiques du président Carter contre le régime Pahlavi ». (page 626)
« La Révolution islamique aura finalement été un jeu de dupes. Dans cette affaire, le Chah aura été la dupe de l’Occident,l’Occient, la dupe de Khomeini, Khomeini, la dupe du peuple, et le peuple, comme souvent, sa propre dupe » (page 628).
Les auteurs ne mettent pas sur le compte de l’administration démocrate américaine la chute de Shah mais pointent combien Jimmy Carter, comparé à l’Homme de paille du film Le Magicien d’Oz, a pu stigmatiser le régime du Shah autour de la question des droits de l’homme. Si pour eux la contestation prit des ailes en sentant combien l’habituelle sanglante répression de la SAVAK à l’intérieur et à l’étranger n’est plus tenable, ils n’en développent pas moins l’idée que le Shah était tombé dans la folie des grandeurs et était devenu très impopulaire dans son pays.
Le récit couvre, après une rapide présentation des années 1960 pour l’Iran, une période s’échelonnant de l’année 1971 (où se déroulent les célébrations de Persépolis) à l’année 1980 marquée à la fois par la poursuite de la prise d’otages américain à l’ambassade des USA, la mort du Shah (parti en exil le 3 janvier 1979) et l’attaque de l’Irak contre l’Iran. Non seulement les Iraniens mais les populations des pays étrangers et les principaux dirigeants occidentaux ne sont pas présents. Ainsi le président Pompidou envoie son Premier ministre Chaban-Delmas, l’Allemagne délègue le président du Bundestag , les USA sont représentées par le vice-président et l’Angleterre par le Prince Philip. Mohammad Reza Pahlavi a d’autre part beaucoup dépensé pour l’armement du pays et il y a gagné le surnom de "El Rey Dorado" (allusion à "Eldorado"). D’ailleurs le shah joue le rôle de gendarme dans la région, notamment dans le sultanat d’Oman, au Liban et dans le Chatt-el-Arab ; cela déplaît beaucoup aux Américains.
On pointe l’importance qu’eut le Premier ministre Hoveida (un franc-maçon) dans les réformes menées, ce dernier resta douze ans à son poste. L’état inimaginable de corruption de la société est décrit, on voit ainsi les facteurs ne passent plus que le vendredi parce qu’ils ont un second travail et les bakchiks se multiplier.
Le fait que le Shah souffrait d’une leucémie lymphatique diminua considérablement ses capacités intellectuelles du fait des médicaments à prendre. Il se sait malade il « est atteint de ce qu’on appelle le complexe de Nivelle, du nom de ce général qui, pressé par la maladie, entreprit l’offensive à outrance qui conduisit ses troupes à l’hécatombe du Chemin des Dames en 1917 » (page 87).
Pierre et son père Christian Pahlavi ont vécu en Iran jusqu’à la fin des années 1970. Ce dernier est né à Paris en 1941, d’une mère française d’une famille bourgeoise et d’un médecin militaire allemand En 1947 sa mère épouse Ali-Reza Pahlavi, le frère du Chah d’Iran, le Roi des Rois. Celui-ci est alors un capitaine de l’armée impériale venu parfaire sa formation militaire à l’école des cadets de Rouffach et a pour ordonnance Valéry Giscard d’Estaing. Ali-Reza Pahlavi devient le père adoptif du petit Christian. Ali-Reza Pahlavi meurt en 1954 dans un accident d’avion, laissant orphelins Christian et son plus jeune frère Ali Patrick Pahlavi né en 1947; ce dernier pourrait prétendre au trône d’Iran s’il n’était né d’une femme étrangère. Reza Pahlavi, fils du dernier Shah n’a eu que des filles aussi le problème de revendication du titre de successeur se posera à la mort de Reza Pahlavi. Toutefois il serait bien étonnant que la dynastie pahlavi, qui ne donna que deux shahs, revienne sur le trône de l’Iran.
Sur ce, comme on va le voir l’arrivée du quaker Carter à la présidence des USA va amener cette grande puissance à revoir le soutien indéfectible de l’administration de Nixon. En fait pour nombre de dirigeants de la diplomatie américaine, le régime du Shah doit être tôt ou tard victime d’un renversement. Toutefois le Shah garde des soutiens et notamment celui de Brzeziński.
En août 1977 le chef de l’État renvoie son Premier ministre Hoveida (il sera exécuté en avril 1979), l’écroulement du régime impérial suit et la prise des otages à l’ambassade américaine va entraîner une radicalisation du régime qui suit.
Très documenté, ce récit est rédigé sobrement et on apprécie l’index et les notes qui nous en disent plus en particulier sur les personnes au fur et à mesure qu’elles apparaissent.
Pour connaisseurs Aucune illustration
http://www.liberation.fr/planete/2018/01/03/iran-face-a-la-rue-une-unite-politique-de-facade_1620207
L’ayatollah sous le pommier
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/les-fantomes-de-neauphle-le-chateau-22-layatollah-sous-le-pommier
https://radionotredame.net/2019/geopolitique/iran-la-faillite-economique-les-troubles-sociaux-prennent-une-dimension-geopolitique-245483/
https://www.lepoint.fr/debats/mahnaz-shirali-la-republique-islamique-d-iran-un-etat-hors-la-loi-02-02-2020-2360867_2.php#xtor=CS3-190