Avis de Adam Craponne : "Un Mendes-France énarque"
Comme Mendes-France, Michel Rocard fut la conscience de la gauche française. Si aujourd’hui on cite le plus souvent une de ses phrases, c’était à contre-sens selon lui. Il s’agit de « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », il rectifia très tôt cette formule par un complément « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ».
Du séjour en Algérie de Rocard, on apprend qu’il y a côtoyé de nouveau Jacques Chirac qu’il avait connu à l’ENA et qu’il est l’auteur d’un rapport alarmant sur les conditions sanitaires dans les camps de regroupement qui sembleraient avoir regrouper un million de musulmans des campagnes à la fin de 1958, ceci afin de les faire échapper à l’emprise du FLN. Edmond Michelet, ancien déporté, alors ministre de la Justice laisse fuiter le contenu de ce document et ces centres pour indigènes ne sont pas fermés mais doivent arrêter de recruter (page 42). Bien entendu, l’armée ne tiendra pas ses promesses et on comptera là deux millions d’indigènes à la fin de la Guerre d’Algérie ; toutefois la situation matérielle des internés s’est améliorée.
Léon Blum est mort en 1950, aussi la lettre que Michel Rocard est censé lui avoir écrit en 1958 semble sorti de l’imagination de Pierre-Emmanuel Guigo (page 40). Du tout début des années 1960 au milieu des années 1970, Michel Rocard joue un rôle important au PSU et il est même candidat aux présidentielles de 1969 avec cette étiquette. Auparavant, l’auteur a raconté le rôle de Michel Rocard dans les évènements de 1968.
Leader de la deuxième gauche, s’appuyant sur l’idée d’autogestion portée alors par la CFDT, Michel Rocard est peu apprécié de François Mitterrand qui voit toujours en lui un rival même après que ce dernier l’ait nommé Premier Ministre. Après avoir vu la campagne de Rocard aux européennes largement torpillée par la liste de Bernard Tapie, soutenue officieusement par François Mitterrand, Michel Rocard rentre dans une retraite politique très active.
Assez critique vis-àvis des orientations prises par les gouvernements sous la présidence de François Hollande, il envoie à ce dernier en 2014 une note où il dit craindre un triomphe du Front national ou des mouvements de rue (on pense que les gilets jaunes ont bien concrétisé cette hypothèse), que le règlement du poids de la dette européenne et du déficit des budgets ne peut se décider à Paris mais à Bruxelles où les idées de la France ne sont pas prises en compte (page 306). Devant la généralisation de la mondialisation, selon lui, les organismes de régulation ont capitulé.
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