Avis de Xirong : "La guerre des gaullistes ou Brutus sous le poignard des partisans de César"
Stevan Marković, d’origine yougoslave, meurt assassiné en septembre 1968 dans une commune des Yvelines. Il avait trempé dans quelques trafics et avait été un proche d’Alain Delon. On apprendra plus tard que dans la cité Goussainvile, distante d’une trentain de de kilomètres du lieu où a été retrouvé le cadavre, un juge de paix de la pègre parisienne François Marcantoni a une résidence et que la housse et la toile de jute, qui ont servi à envelopper le cadavre du Yougoslave, étaient destinées à un matelas acheté à la fin du printemps 1968. On prétend que sur la quinzaine d’acquéreurs de ce matelas, seul Marcantoni connaissait Stevan Marković; toutefois cette expertise du matelas a été contestée. Alain Delon avait rencontré le malfrat corse en 1953. Toutefois cette affaire se termina par un non-lieu pour ce dernier qui déclarait que l’assassin était « un Corse qui se faisait appeler François dont la bande avait un litige à propos d'un trafic de cocaïne avec le clan des Yougos auquel Markovic appartenait ». (https://www.corsematin.com/articles/interview-francois-marcantoni-romy-schneider-a-pleure-sur-mes-genoux-4667)
Cette affaire criminelle fut le prétexte à monter des ragots visant à impliquer le couple Pompidou dans des soirées érotiques, Stevan Marković faisant alors des clichés de personnalités (artistes et hommes politiques en particulier) y participant. Cette machination fut vraisemblablement conçue par un avocat qui avait été député gaulliste dans l’Yonne et impliqué tant dans la lutté contre l’OAS que dans l’Affaire Ben Barka (en 1965). Je ne crois pas personnellement à l’implication des services secrets américains comme le dossier dans cet album le mentionne comme piste possible.
Georges Pompidou rencontra le général de Gaulle pour faire cesser l’écho médiatique de l’Affaire Marković alors que le fondateur de la Ve République se lançait dans la campagne d’un référendum où le non triompha. Ceci mit fin à la présidence de de Gaulle qui démissionna et ouvrit l’élection de Georges Pompidou à la tête du pays. Les ministres gaullistes impliqués dans le colportage de ces rumeurs payèrent le prix de la haine du nouveau président.
Notons l’intérêt iconographique de l’album avec notamment la représentation de La Boisserie à Colombey-les-deux-Églises, de nombre de ministres du général de Gaulle dont Jeanneney et avec une apparition très dynamique page 72 de Jacques Chirac alors secrétaire d’État à l’économie et aux finances.
Nous ajouterons personnellement tout ce qui suit. Notons d’abord que si Couve de Murville échoua en 1967 à se faire élire député (mention de ce fait page 13) c’est qu’il avait en face un notable parisien de poids à savoir Frédéric-Dupont. Ce dernier participa aux émeutes de février 1934, se fit élire en 1936 comme député du Parti social français de La Roque, combattit en 1956 l’élection de Le Pen comme député de Paris et le soutint en 1958. Connu comme le "député des concierges", il bénéficiait de tout un réseau dans le VIIe arrondissement. Battu une seule fois dans sa carrière en 1962 par René Capitant (un des ministres gaullistes acteur du complot dirigé contre Pompidou), il reprend son siège en 1967 face à Maurice Couve de Murville pour la première fois candidat à une élection législative. Ce dernier est élu en 1968 dans une autre circonscription parisienne ; il devient peu après le dernier Premier Ministre du Général de Gaulle. Voulant retrouver un siège de député (que son suppléant refuse de lui rendre en démissionnant), il se présente en 1969 dans les Yvelines. Avec la complicité de Pompidou, Pierre Sonneville (ancien Compagnon de la Libération) candidat prétendument centriste appelle à voter contre lui au second tour ce qui vaut à Michel Rocard son premier mandat de député.
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