Avis de Adam Craponne : "Le régime communiste s’en prend aux derniers juifs polonais"
Si le contenu de cet ouvrage évoque la question de l’antisémitisme en Pologne, c’est seulement un des aspects du récit. En fait c’est la richesse de diverses vies de personnes de la famille de l’auteure qui est exposée, en s’appuyant sur près d’une cinquantaine d’illustrations dont une carte du partage de la Pologne, suite au Pacte germano-soviétique du 23 août 1939.
Les campagnes antisémites du gouvernement polonais démarrent en 1967 et se terminent en 1968, elles amènent la majorité des survivants de la Shoah à quitter le pays. Des pogroms eurent lieu à la naissance de l’état polonais en 1919 mais les tensions baissèrent et ce n’est qu’après la mort de Pilsudski que des mesures discriminatoires furent prises par le gouvernement. Ceci explique de nombreux Juifs polonais émigrent d’abord pour des raisons économiques dans les années vingt puis pour des raisons politiques à partir du milieu des années 1930.
Il y avait environ 3 500 000 juifs ayant la nationalité polonaise en 1939, avec toutefois un peu plus du tiers d’entre eux qui habitaient des régions devenues lituaniennes, biélorusses ou ukrainiennes en 1945. Après le retour de juifs polonais réfugiés en URSS, la Pologne comptait un quart de millions d’israélites. Toutefois il y a de nouveaux massacres et la Pologne autorise les départs vers le jeune état d’Israël, si bien que les juifs polonais étaient environ 40 000 en 1967.
Cette année-là a lieu la Guerre des six jours alors que l’année suivante la Pologne connaît divers mouvements de contestation réprimés et mis sur le compte d’agitateurs juifs par Gomulka. Les parents de la narratrice, le père et sa mère journalistes, l’un à la télévision et l’autre dans un périodique, perdent leur travail. Ce sont 8 000 exclusions du parti qui ont suivi, dont des universitaires. La famille quitte la Pologne ; le père part pour l’Afrique puis le Canada, Janka, qui a quasiment dix-huit ans, reste avec sa mère qui rejoint Rome. En fait comme on le raconte en fin d’ouvrage, comme journaliste sa mère a déjà séjourné longuement en Italie et toute la famille dans la capitale française.
L’auteure revient sur la vie de chacun de ses parents depuis leur naissance. Ceci amène à parler du ghetto de Varsovie durant la Seconde Guerre mondiale dans lequel vit sa mère. Est conté un épisode largement méconnu de tentative vengeance en 1946 de certains juifs sur des nazis emprisonnés en Allemagne ou des Allemands pas obligatoirement personnellement liés aux crimes du IIIe Reich.
Le père, est né à Cracovie en 1925, il a suivi les cours d’une école privée juive. La couverture du livre le montre enfant avec son grand-père. Comme beaucoup de Polonais et le futur pape Jean-Paul II, il aime le napoleonka, un mille-feuille qui doit son nom à l’Empereur des Français (page 82) ; ajoutons personnellement que Karol Jozef Wojtyla les achetait à la pâtisserie juive Karol Hagenhuber de Wadowice. Lorsque les Allemands envahissent le pays, la famille de son père fuit vers l’est et se retrouve de ce fait dans la partie de la Pologne occupée par les Russes. Déporté en Sibérie, dans des conditions désagréables mais non tragiques, le père est ensuite en Ouzbékistan à l’hiver 1941. Il est devenu communiste après avoir passé tout le conflit en URSS. La Pologne ne compterait plus au XXIe siècle que de 10 000 à 20 000 personnes d’origine juive. Notons que Janka Kaempfer Louis a eu une carrière de journaliste en Suisse et est aujourd’hui productrice de l’émission Signes sur la RTS, voir https://www.rts.ch/play/tv/emission/signes?id=389084 .
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