Avis de Zaynab : "Il n'avait pas clamsé Léon!"
Le narrateur est le pigeon voyageur qui vivait, peu avant la déclaration de la Première Guerre mondiale, aux côtés de Léon fleuriste ambulant dans les rues de Paris et la colombe Célestine. Ceci suite à une blessure que lui avait causé un chasseur. Début août 1914, Léon et Sylvestre quittent Paris pour rejoindre la zone des combats.
On est, au début du conflit, dans une guerre de mouvement et cet album a le grand mérite de faire passer l’idée que la guerre des tranchées ne démarre qu’après un trimestre d’offensive et contre-offensive. Ceci tout en nous montrant en quatre pages ce que pouvaient être des tranchées et comment on y vivait. Une allusion par le dessin est faite aux fameux tirailleurs sénégalais.
Les actions des pigeons voyageurs ne sont pas vraiment explicitées car Sylvestre est plutôt là pour décrire la vie des poilus, toutefois on voit un pigeonnier vers le milieu du récit. Un clin d’œil, non explicité, est fait au pigeon Vaillant, présenté comme décoré. En fait, pour avoir porté un message juste avant la chute du Fort-de-Vaux devant Verdun, Vaillant reçut la citation suivante :
« Malgré des difficultés énormes résultant d’une intense fumée et d’une émission abondante de gaz, a accompli la mission dont l’avait chargé le commandant Raynal. Unique moyen de communication de l’héroïque défenseur de Vaux, a transmis les derniers renseignements reçus de cet officier. Fortement intoxiqué, est arrivé mourant au colombier. »
Dans notre fiction, Sylvestre guide les brancardiers jusqu’à Léon lorsque ce dernier est gravement blessé lors d’une attaque de la tranché adverse. Léon doit subir une amputation d’un pied et peu après notre fleuriste réformé reprend son métier dans la capitale.
« La guerre est finie pour nous. Pas pour tout le monde. Mais pour nous, oui. »
Le passage chez les soldats de la croyance en une victoire rapide (dans la franche camaraderie) au découragement devant un conflit qui s’éternise et se mécanise passe entre autre par certaines réflexions de Sylvestre :
« Mais je dois reconnaître que je suis assez excité à l’idée de voyager … avec mon ami Léon qui plus est ! Après le train, le vélo ! Comme la campagne est belle ! Sylvestre s’en va-t-en guerre-eu, Sylvestre s’en va-t-en guerre-eu, Sylvestre s’en va-t-en guerre-eu… La chance !»
« Il se met à faire drôlement froid ! On commencera tous à être épuisés, on se dit que la guerre ne se terminera jamais. Mon pauvre Léon. Il aimerait retrouver ses fleurs. Et j’avoue que moi, ma Célestine me manque beaucoup. »
La qualité de l’ouvrage "Sylvestre s’en va-t-en guerre" aussi tient à ses illustrations à l’aquarelle qui rendent très bien le dramatique des actions sans aller vers des perspectives traumatisantes. Cet album a une place de choix dans une bibliographie extrêmement limitée autour des albums de fiction qui, en se centrant (plus ou moins) sur des actions d’animaux, permettent d’approcher la Première Guerre mondiale dès le cycle 2 (ils sont d’ailleurs exploitable en cours moyen). À notre connaissance on pourra en prolongement faire lire "Une mission pour Vaillant" d’Alain M. Bergeron (récit de l’exploit du pigeon évoqué ci-dessus), "Bunny cheval de guerre" d’Elisabeth MacLeod et Marie Lafrance, "Pipo, chien de guerre" de Sandrine Place et Marie de Salle (action dans le réduit belge) et "Flambeau Chien de guerre" de Benjamin Rabier (paru en 1916).
Accessible jeunesse Beaucoup d'illustrations