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1914-1918 en Pays Thouarsais

1914-1918 en Pays Thouarsais
La Geste287 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Pour un modèle de discours sur la Grande Guerre au niveau local, aller à Thouars n’est pas aléatoire"

Quand je connais plus ou moins le sujet, à savoir ici la vie des Poitevins de trois départements à l’arrière et sur le front durant la Grande Guerre, j’ai toujours tendance à être plus sévère qu’il ne faut avec un ouvrage, cela n’est pas mon moindre défaut. J’appréhendais donc de relever nombre de manques ou d'inexactitudes. Eh bien, j’ai été heureusement surpris de ne pas avoir dû relever des points négatifs et rien de fondamentalement très discutable dans le contenu. Bref, cet ouvrage montre la qualité des travaux que peut réaliser une société d’histoire très locale (la SHAAPT) puisque ne s’intéressant qu’à la pointe nord-est des Deux-Sèvres. La communauté de communes du Thouarsais, ce sont seulement trente-et-une communes (trente-trois avant la fusion en 2017 de trois communes).    

On commence par expliquer ce que fut le service militaire en France de la Loi Charles de Freycinet de 1889 à la Loi Louis Barthou de 1913, en passant par la Loi Maurice Berteaux de 1905. Ceci, comme par la suite, en illustrant par des cas précis de Thouarsais, sans oublier de citer les joyeux des bataillons d’Afrique. Quelques informations sont données autour de la tactique de l’offensive à outrance et des conditions de la mobilisation.

On apprécie que soit progressivement abordées les principales batailles avec des cartes et des images en précisant certaines actions de régiments qui comptent nombre de Thouarsais ou d’individus résidants ou nés dans la petite région qui nous intéresse. Chaque département compte au moins une demi-douzaine de morts dans le torpillage du paquebot Provence II fin février 1916. Sur les neuf cent et quelques poilus en partance pour Salonique qui périrent, il y a cinq Thouarsais tous du 3e RIC.

Un regard plus distant sur l’action des pacifistes, présentés comme défaitistes sans mettre de guillemets, aurait été souhaitable à mon avis. Faire porter les problèmes de moral en 1917, tant à l'arrière qu'au front, principalement sur le compte d'une certaine presse et de certains socialistes est très simpliste, le premier moteur est d’envoyer sans retenue les soldats se faire tuer. Cette explication est certes mentionnée mais bien moins développée que la première. Ceux qui réclament la fin des hostilités le font pour de nobles motifs, même si effectivement de très rares personnes ont pu être manipulées par l’Allemagne. Il est extrêmement regrettable que ce soit au prix de mutineries que l’État-major se soit mis à réfléchir sur l’amélioration de la condition des combattants. On apprécie toutefois que le problème de l’action de la justice militaire, et donc des désertions, fasse l’objet d’une étude sérieuse illustrée par des cas précis.      

Appréciable est le mot dit autour de la prétendue voyante Claire Ferchaud du Mauléonais (plus à l’ouest que le Thouarsais), même il est bien péremptoire de conclure « que ses visions ont été prises au sérieux ». Je pense plutôt que le président Poincaré la reçut pour satisfaire les parlementaires royalistes (c’est le député vendéen Armand Charles de Baudry d'Asson qui obtient qu’elle puisse venir à l’Élysée) et justement par là tenter de désamorcer la revendication de mettre l’insigne du Sacré-Cœur sur le drapeau tricolore.  

Les noms des instituteurs en poste durant tout le conflit et le parcours de certains dans l’armée sont reconstitués et un mot sur les écoles est dit. Je m’autoriserais à quelques compléments. D’abord il aurait été bon de signaler l’important absentéisme des élèves enlevés pour travailler à la ferme et les difficultés de discipline en classe et à la maison. On le comprend notamment en lisant Les Gardiennes et Les fils Madagascar d’Ernest Pérochon qui est originaire du Bressuirais voisin et également en lisant Les Grégoire, 3 La fleur de la jeunesse d’un autre instituteur Ludovic Massé, celui-ci catalan il est vrai. Ensuite j'ajouterai que nombre des instituteurs cités ont connu Ernest Pérochon à l’École normale (de sa promotion ou de celles proches) ou l’ont eu comme professeur de français-histoire-géographie à l’École primaire supérieure de Parthenay. Ne signalons que le cas de Louis Rivault qui fut exceptionnellement préparé au concours d’École normale dans une école de campagne par l’instituteur qui l’avait présenté au certificat d’études. C’est le père de l’écrivaine Sainte-Soline qui s’en occupa (SAINTE-SOLINE Claire, Et l’enfant que je fus, Paris, PUF, 1944, p. 7).

Très peu d’ouvrages régionaux sur la Grande Guerre évoquent la présence de prisonniers allemands dans la région et on peut se féliciter grandement que cela le soit ici (page 191). La venue de prisonniers allemands à un coût financier important pour l’employeur, toutefois lle travail de ces derniers étant très apprécié, ils sont réclamés par plusieurs communes du Thouarsais. D’autres sujets ont été abordés en prolongement de celui-ci autour de nouvelles populations comme les blessés, les réfugiés (plus d’un demi-millier à Thouars même, ils sont refusés par les villages), des détenus de droit commun, des travailleurs chinois (page 170) et des militaires américains (page 169). La présence de ces deux dernières catégories est lié au rôle de nœud ferroviaire de la ville.    

Une erreur dans l'ouvrage, à la page 148. En 1914 Viviani n'est plus socialiste depuis quelques huit années et son étiquette de "socialiste indépendant" (ou "républicain socialiste") d'alors, rappelle qu'il est indépendant de tout et surtout du socialisme. En fait il est au centre gauche comme le maire radical de Thouars de l'époque.  Il est notable que Thouars passe en 1919 d’un maire radical à un maire socialiste, ce fut le cas pour de nombreuses communes de la banlieue parisienne, comme Pantin. Dans d’autres cas, comme Périgueux, c’est un radical indépendant (d’ailleurs plus à gauche que certains valoisiens) qui a également pour successeur un socialiste. Des questions autres sont abordées, toujours sous un angle pertinent dans la contextualisation.

L’iconographie est très abondante et extrêmement intéressante. Si je n’avais pas trouvé page 218 le dessin de presse d’Amiau, que je connaissais, paru dans Le Bocage et la plaine, j’aurais été très déçu. Le préfet des Deux-Sèvres, à l’origine de cette mobilisation des civils pour soutenir les soldats au front, a d’ailleurs pris une initiative qui a valu une célébrité nationale à des jeunes gens d’un village méridional des Deux-Sèvres. Le fait historique a été adapté dans le roman Les Gardiennes d’Ernest Pérochon.

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Octave

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