Avis de Zaynab : "Une fiction pour approcher une dure réalité"
Voilà un excellent roman historique de littérature de jeunesse, pour collégiens et lycéens, qui sort en lien avec l'actualité du centenaire du massacre des Arméniens, un fait historique sur lequel sont sortis de nombreux livres d'historiens.
Alors que tant de romans historiques ou livres d'historiens nous sont livrés sans carte historique ou avec une carte aux informations même difficiles à découvrir à la loupe, et que nombre d'ouvrages de littérature de jeunesse autour de la Première guerre mondiale nous ont offert des tracés de frontières pour l'Europe de 1914 ou celle d'après les traités de paix de 1919 à 1923 qui relèvent de petites ou grandes confusions, l'ouvrage "Dans les yeux d'Anouch, Arménie 1915" ouvre sur une carte couvrant une double page où on fixe de manière parfaite les frontières que l'empire ottoman pour 1915 (y compris par rapport à la région de Kars qui est russe de 1877 à 1918). Il est toutefois dommage que la ville de Boursa sur la carte devienne Bursa dans le texte et que sur cette carte l’on n’explique pas de façon claire d’où partent et où arrivent Anouk ainsi que Dikran. De plus Ankara apparaît comme Angora (ce qui est exact historiquement, mais il aurait fallu mettre entre parenthèse le premier nom que nous donnons), Trabzon et Erzeroum (avec un accent dont on s’est dispensé) sont des villes également connues par d’autres noms.
Dans une postface, l'auteur explique ses liens avec l'Arménie :
« Ma grand-mère s’appelait Méliné Papazian. Elle a marqué mon enfance, mon adolescence et ma jeunesse par son affection chaleureuse, par les plats orientaux qu’elle cuisinait avec amour pour toute la famille et par son rire, qui lui faisait monter les larmes aux yeux. Mais derrière ce rire, il y avait une zone d’ombre. Ma grand-mère avait une histoire. Je le savais depuis tout petit, sans comprendre vraiment de quoi il s’agissait. Il y avait ce mot étrange et inquiétant qui revenait souvent : la déportation.
Peu à peu, j’ai découvert ce que ma grand-mère avait vécu durant sa propre enfance, comment elle s’était trouvée brutalement emportée dans l’ouragan d’une période tragique de l’histoire. Plus tard, je l’ai encouragée à écrire ses souvenirs, ce qu’elle a fait, remplissant de nombreux feuillets de sa petite écriture nerveuse pour composer un texte précis, foisonnant de détails.
Dernièrement, en relisant ces notes, j’ai eu envie de donner une nouvelle vie à ce récit extraordinaire en le transmettant à mon tour, sous forme romanesque. Pour que des lecteurs d’aujourd’hui – jeunes ou adultes – puissent découvrir, à travers la « petite » histoire de ma grand-mère, un pan de la « grande » histoire, celle des événements qui se sont déroulés à partir du printemps 1915 dans l’Empire ottoman, conduisant au premier génocide du XXe siècle.
Les récits et les souvenirs écrits de ma grand-mère constituent donc le fil rouge de ce roman. Les principaux événements et leur enchaînement s’en inspirent fidèlement. Divers documents d’archives m’ont permis de préciser certains points. Le roman se nourrit aussi de nombreux autres témoignages de déportés arméniens survivants qui, tous, racontent à peu près la même histoire. Le reste – les personnages, les dialogues, les sentiments, les émotions, les amours – c’est la part ajoutée de l’auteur ».
Le récit ouvre sur la journée du dimanche 15 août 1915 où le père de famille informe Anouch et d’autres qu’ils vont être déportés. Partis d’une ville assez proche de la côte asiatique de la Mer de Marmara, ils sont dirigés vers la Syrie, dependant arrivés au bout d’un mois à Konya (très au sud d’Ankara), grâce à une complicité familiale et l’aide d’une femme grecque, ils évitent la reprise du train vers Antioche. Anouch rencontre là un jeune garçon arménien venu du nord de la Syrie dont le père boulanger a été réquisitionné par les Turcs. Toutefois ces deux-là seront séparés et ce n’est que quelques mois après la fin de la Première guerre mondiale qu’ils pourront renter de nouveau en contact devant le lycée de Galatasaray à Istambul. Rappelons que le Musée du Quai Branly montrait des Arméniennes, tombées lorsqu'elles étaient jeunes filles dans les mains de proxénètes syriens, qui avaient été largement tatouées sur le visage, afin de les repérer immédiatement si elles fuyaient.
Accessible jeunesse Peu d'illustrations
"A Paris, plus de musée pour l'Arménie"
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150425.OBS7938/a-paris-plus-de-musee-pour-l-armenie.html
http://www.francebleu.fr/infos/armenie/quel-avenir-pour-le-musee-armenien-de-france-ferme-il-y-20-ans-paris-2318543
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=118906
http://www.prhj41.fr/2016/07/5e-4e-dans-les-yeux-danouch-armenie-1915/