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Le Vol des anges

Le Vol des anges
Zéphyr éditions
1 critique de lecteur

Avis de Alexandre : "Le diable Ascott en veut aux anges britanniques"

Si les deux premiers tomes couvrent les dix années qui précèdent la Grande Guerre, leur lecture est indispensable pour aborder les deux volumes qui se déroulent durant la Grande Guerre. Cette série se poursuivra au-delà de la fin 1918 car il s’agit de raconter le destin de la famille Murray durant la première moitié du XXe siècle, afin de mieux approcher l’histoire de l’aviation. Toutefois les quatre premiers volumes constituent un cycle et celui qui désire ne pas poursuivre au-delà s’est vu offrir un récit cohérent. D’ailleurs le personnage au physique quelque peu satanique lord Ascott traître à son pays l’Angleterre qui est apparu dans les premières pages du premier tome disparaît à la fin du quatrième, après avoir trouvé la mort au moment où le pays qu’il sert a perdu la bataille de Verdun. En effet les troupes françaises du groupement Mangin reprennent, en quatre heures fin octobre 1916 le fort de Douaumont est réoccupé par les tirailleurs sénégalais ainsi que somalis et le régiment d’infanterie coloniale du Maroc ; il a été repris tout le territoire conquis depuis huit mois par les Allemands.

Ces quatre volumes permettent de suivre toutes les étapes d’amélioration technique que connaissent l’aviation et en particulier l’usage qui est faite de celle-ci durant la Première Guerre mondiale. Le tournant que constitue l’apparition dans les airs au printemps 1917 des redoutables Albatros est d’ailleurs un des points les mieux mis en valeur.

Aux côtés ou contre les aviateurs de fiction que sont les frères Murray on trouve les français et allemands dont l’histoire a retenu le nom. Le père de ces derniers est un ingénieur qui travaille pour l’armée britannique et la sœur des jumeaux Murray aide à mettre fin aux activités d’espionnage de lord Ascott.

On peut se réjouir de voir de nouveau mis en scène l’attentat de Sarajevo sur une surface non négligeable, ici deux pages peines ; on se rappelle que nous avions déjà signalé que l’album « Le long hiver 1914, tome 1″ chez Casterman expose en quatre pages et demie l’attentat du 28 juin 1914. Toutefois on peut regretter le contenu de la bulle où l’archiduc François-Ferdinand, juste avant de se faire tirer dessus bien fatigué et contrarié par le fait que son chauffeur est pris un mauvais itinéraire déclare : « Ah, c’est fort pénible, cette ville aura ma peau, cela devient insupportable ! ». Pour une rencontre qui va déboucher sur le retour en train de Lénine à travers la Russie, on a droit pour un groupe de personnages arrivant à pied de même à « Mauvaise nouvelle, voilà le deuxième wagon ! » ; l’action en question est dessinée page 30 du tome 3. Il vaut peut-être mieux laisser ce genre d’humour à des BD qui parodient certains personnages historiques…

Ce n’est pas la seule fois d’ailleurs où on note des discours incongrus, ainsi aux pages 42 et 43 du premier tome le général Henderson au printemps 1912 prévoit exactement six mois à l’avance la Première Guerre balkanique, une étincelle qui risque de déboucher sur un conflit entre puissances coloniales et que « dans l’avenir, la guerre se gagnera dans les airs ». L’ouvrage alterne ponctuellement du didactisme maladroit et assez inutile (car destiné à combler d’éventuels trous en culture générale autour de la Première Guerre mondiale) aux scènes absconses, décryptables au premier abord par un des seuls passionnés d’aviation de la Grande Guerre.

Nous voyons par exemple pour le volume trois la fille Murray allant espionner à la base de la Hage, d’où partent les zeppelins, puis tenter de fuir en passant une frontière sur laquelle aucune information ne nous est fournie. En effet située en Frise, Hage est à moins de cent kilomètres des Pays-Bas restés neutres. Ainsi dans le volume quatre, le traître se voit promettre la direction de la Jasta, aucun contexte ne permet de comprendre qu’il s’agit de la Jagdstaffel (escadrille de chasse). L’explication est donnée vingt pages plus loin, ce qui fait qu’au premier passage on n’a rien compris. Toujours dans ce même tome trois, le pilote français qui essaie de saboter son appareil page 27 est Roland Garros. Il réapparaît avec cette fois son patronyme quinze pages plus loin et si dans le premier cas son visage était largement caché par ce que tout pilote portait autour de la tête, dans le deuxième cas il est montré abattu regardant vers le sol car il est prisonnier des Allemands. Bref si on ne connaît pas la vie de Roland Garros on l’a raté à sa première apparition et la seconde présence ne va pas aider à se rappeler de la première.

On voit que parfois l’auteur est allé chercher des informations sur internet et qu’il n’a pas été capable de trier le vrai du faux. Roland Garros est bien prisonnier temporairement au fort de Zorndorff, or celui-ci ne se trouve pas en Prusse-Orientale mais à la limite entre le Brandebourg et la Silésie (dans une ville appelée Custrin en français) ; aussi l’évasion purement fictionnelle de la fille Murray et de son compagnonne ne se fait pas à quelques kilomètres de la frontière russo-germanique, comme on le laisse croire. D’ailleurs dans la réalité Roland Garros après s’être évadé, choisit de passer la frontière néerlando-germanique. Au printemps 1916 il ne s’agit plus de franchir une limite entre les deux empires, mais un front qui est alors situé au-delà de Vilnius et Brest-Litovsk. Dans d’autres circonstances des éléments du décor apportent d’eux-mêmes des informations intéressantes (et peu connues), ainsi la scène où le traître rencontre Hindenburg est précédée d’une vignette où on voit l’immense statue en bois de douze mètres de haut qui lui fut érigée à Berlin en 1915.

La mise en page se renouvelle et l’usage des inserts est très sophistiqué. Les décors sont assez sobres dans l’ensemble et les éléments du paysage sont assez stéréotypés. Une ouverture pour le tome 3 avec un paysage du type de celui de la montagne Sainte-Victoire de Paul Cézanne pour un village du Hainaut, cela surprend surtout si le cartouche parle de la campagne autour de Mons en Belgique. En fait le dessinateur doit penser à l’ancien village de L’Escaillère (aujourd’hui rattaché à Chimay) qui abrite le sommet de l’Ardenne hennuyère qui atteint 365 mètres. Les fans de l’aviation se félicitent de la qualité des dessins des avions qui leur sont offerts.

En conclusion il s’agit d’une série qui permet de bien consolider ses connaissances sur l’histoire de l’aviation durant la Première Guerre mondiale à condition (si l’on est pas un initié sur celle-ci) de faire l’effort d’aller chercher sur internet par exemple des compléments d’information pour prendre toute la substantique moelle qui s’y camoufle au milieu de l’aspect fictionnel.

Alexandre

Note globale :

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