Avis de Ernest : "Elle nous a parlé de ses deux gars, un cavalier, un infirmier, qui n'en peuvent plus"
L'intérêt de cette seconde partie du journal de René Bazin est de témoigner de ce que fut la prise de conscience d'un intellectuel catholique du caractère industriel que prit cette guerre. On suit l'évolution de son opinion, on n’est plus dans le même ton qu’au début du conflit. Commencé en 1916, ce second volume s'achève en avril 1919, ce qui permet de dire un mot que la manière dont les troupes françaises auraient été accueillies en Alsace.
Il est symptomatique que, pour évoquer ces nouvelles caractéristiques, l’auteur se réfère à la culture chrétienne. Ainsi peut-on lire :
« 10 mars 1916. Le caractère apocalyptique, le trait satanique de cette guerre se dévoile de plus en plus. »
« 30 juillet 1918. Je reviens de visiter la mère Hamelin. Elle nous a parlé de ses deux gars, un cavalier, un infirmier, qui n’en peuvent plus.
Ô mon Dieu, cette victoire, quand nous n’avons plus de forces, donnez-la vite ! Il n’y aura bientôt plus que des mères, des veuves en deuil, des vieux, des enfants et des étrangers sur le sol. »
L’auteur a pointé avec justesse les grandes qualités du général Castelnau, dont il connaît d’ailleurs le fort attachement à la foi catholique :
« 12 mars 1916. Castelnau réunit un conseil de guerre, prend sur lui de remplacer le général en pleine bataille. Il appelle Pétain, se rend compte des positions, ordonne de tenir. C’est par un homme de grande piété que Dieu devait rétablir nos affaires. »
On ne s ‘étonnera pas de le voir, dès que l’occasion lui est permise, de "bouffer du laïc", en tronquant d’ailleurs la présentation des faits dans l'exemple qui suit. Viviani ordonne à nos armées de reculer de dix kilomètres le 30 juillet 1914 afin d’éviter que le conflit entre la Serbie et l’Autriche ne trouve des prolongements en impliquant d’autres pays ; ce n’est que le 3 août que l’Allemagne déclare la guerre à la France.
« 26 mars 1918. Quelle dinde il a fallu, au premier jour de la guerre, pour ordonner à nos armées de reculer de dix kilomètres, tout le long de la frontière ! Je crois qu’elle s’appelait Viviani. »
On apprécie beaucoup que ce livre soit illustré par de nombreuses photographies familiales et la présence d’environ 500 notes historiques ou biographiques et un index des noms de personnes.