Avis de Octave : "La germanique est une mécanique qui donne la colique aux catholiques"
On reconnaîtra, dans notre titre de critique, une allusion à une comptine que les folkloristes ont trouvée en Belgique et en Bourbonnais, Maurice Carême l’a d’ailleurs reprise. Le général Christian Clarke de Dromatin réalise une préface pour cette nouvelle édition et il souligne qu’en 1915 René Bazin réclame la Rhénanie et la Syrie (dans des textes différents) pour les lendemains du jour de la victoire. Il qualifie l’auteur de « catholique irréductible, chantre de la famille, amoureux de la France et de son éclat ». (page 8)
On ouvre sur un article qui paraît le 18 novembre 1914 dans le Bulletin des armées de la République. Dans ce texte, côtoyant ici des articles d’abord publiés dans L’Écho de Paris, on peut lire :
« Soldats qui vous battez pour la France, compagnons de mes fils, je vois les champs d’où plusieurs d’entre vous sont venus, car les familles se rassemblent beaucoup plus aujourd’hui que dans la paix. D’abord tous les travaux nécessaires ont été faits : la moisson, le battage du froment, de l’avoine et de l’orge, les vendanges aussi qui viennent de finir. Vous me direz : "Comment donc ont-elles fait ?". Vous avez raison de mettre le féminin : ce sont les mères, les femmes, les sœurs qui ont commandé l’ouvrage. Elles y ont pris leur grande part ». (page 9)
Le second texte est un court essai sur le rôle de l’officier. C’est dans le troisième qu’est réclamée la frontière sur le cours du Rhin de la frontière suisse à la frontière des Pays-Bas, ce pieux vœu est repris par Poincaré et Foch lors du Traité de Versailles ; il se heurte évidemment aux négociateurs anglais et américains. Parce que Clemenceau ne l’obtient évidemment pas, se battant uniquement au sujet de la Sarre, ce dernier y a gagné, venu de la droite française de l’époque, le surnom de "perds la victoire".
En prolongement, René Bazin livre dans "La France du Levant" et "Réponse du Levant" ses souhaits de voir la Syrie (pour aujourd’hui comprendre l’espace de la Syrie et le Liban actuels) plus la Transjordanie et la Cilicie devenir possessions françaises vus les liens entre la France et ce pays depuis Charlemagne (au passage, nous préciserons Charlemagne était sûrement de culture plus proche de l’allemande que de la française) en passant par les croisades et François Ier, plus l’expédition d'août 1860 au mois de juin 1861 (première manifestation d’un droit d’ingérence humanitaire selon certains historiens de la fin du XXe siècle). Il fait l’impasse sur la question de la Palestine dans le premier texte et de Jérusalem dans les deux articles, devant être informé que les Anglais ne lâcheraient pas facilement ces contrées.
On lui doit d’évoquer des lieux de combat exotiques comme en novembre 1915 le Cameroun et surtout de faire dans "Le siège d’Oum-Es-Souigh" le 13 février 1916 un récit qui se déroule en Tunisie entre Tataouine et Dehibat. Le fort est attaqué, par des Tripolitains et des membres de deux tribus du sud de la Tunisie, à partir de 2 octobre 1915 et en danger jusqu’au 9 octobre de la même année où arrive une colonne de secours venant de Tataouine dirigée par le commandant Morand. Le capitaine Bermond de Vaux qui commandait le fort a été tué. Ces espaces semi-désertiques ont rarement leur place dans les informations de l’époque car il faudrait pour cela expliquer que la Tripolitaine (dans la Lybie d’aujourd’hui) a chassé quasiment tous les Italiens qui l’occupaient depuis 1911. C'est de loin le texte qui a le plus de valeur documentaire pour l'historien car l'auteur, à son habitude, reprend le témoignage d'un acteur.
Deux morts pour la France tombent dans des lieux restés dans l’histoire de la guerre sur le front occidental. C’est d’abord le normand Jean du Rosel (natif du Calvados) devant Tahure dans la Marne. Par ailleurs dans "L’esprit de fermeté" on a l’évocation d’André Bognier, si évidemment parisien que l’auteur ne le précise pas ; un de ses courriers avait été reproduit dans le journal L’Ami des Malmaisons. Ce sous-lieutenant écrit deux jours avant sa mort des Éparges (dans la Meuse, au sud de Verdun), le lieu où il va décéder. Outre que le contenu est porteur de l’idée d’un avenir meilleur après la guerre, on peut y lire cette phrase prémonitoire qui fait froid dans le dos :
« Père de famille ou jeunes hommes nous ne voulons pas que d’ici vingt ans la puissance allemande renouvelée et maniée d’une main plus habile vous humilie sous sa botte ». (page 47)
Plusieurs pages plus loin on a deux lettres, empreintes d’un esprit chrétien, d’un poilu Théophile Bouchaud, donné originaire de Saint-Philibert-de-Bouaine, une commune du département de Vendée. En fin de compte, il était originaire de la commune voisine de Montbert en Loire-Atlantique (Loire-Inférieure à l’époque) et avait le grade de caporal. Notons toutefois qu’il avait quitté la terre pour travailler dans un commerce nantais. Autre Nantais l’abbé Gabriel Choimet, répétiteur (comprendre surveillant des études) dans le très réputé collège Saint-Stanislas (qui amène au baccalauréat) ; il a servi comme aumônier et brancardier. Il meurt à côté de Reims en avril 1916.
Entrée du collège Saint-Stanislas de Nantes
On a également de très nombreux courriers du poète Louis Geandreau né à La Roche Chalais en 1885 en Dordogne (entre Angoulême et Libourne) et mort le 13 janvier 1915 au nord de Soissons. Le texte de René Bazin date de décembre 1915. Un extrait d’un des poèmes de notre Périgordin, qui euphémise le conflit au maximum, est présenté (sans la moindre contextualisation) ; cela tient au fait, semble-t-il qu'il tient à rassurer son enfant et devient par là un peu la satire du contenu des journaux de l'époque. Il a été écrit en novembre 1914 dans les tranchées de l’Aisne. René Bazin présente ce texte sans le contetualiser, l'utilsant dans une stratégie de "bourrage de crâne". Voir le texte en entier ici http://www.bhpt.org/dossiers_thematiques/guerre1418/1915/1915_T1/geandreau/geandreau_bio_poeme.pdf
Le poète Louis Geandreau (image absente du livre)
Le texte "Sentence pontificale" du 28 juillet 1915 est l’occasion de louer le pape Benoît XV dans sa condamnation de la violation de la neutralité belge et de disserter sur le fait que l’Allemagne n’est absolument pas chrétienne mais d’un "paganisme renaissant" (page 59) et que l’Autriche, livrée à des ministres non catholiques, est inféodée à l’Allemagne à ce jour. Un des textes les plus intéressants est celui intitulé "Le bien des autres" car l’auteur se fait un devoir de répondre aux poilus qui ont le sentiment de défendre le bien des autres alors qu’ils n’ont rien. Notons que "Tenir au champ" du 25 octobre 1915 pose la question du retour des poilus à la terre, une fois la paix signée.
René Bazin nous conte qu'il passe la Toussaint dans la petite partie de l’Alsace reconquise par les Français sans nous préciser le lieu précisément. Une dizaine d’illustrations sont présentes à l’intérieur, certaines tirées de journaux comme l’illustration de la couverture qui montre un soldat détaché dans un village alsacien reconquis pour faire classe à des enfants. On notera la présence du crucifix, ceci ne pouvait se trouver dans aucune école française dans ses limites de 1914. Les crucifix ne réapparaissent dans la France de l’intérieur (comme disent les Alsaciens) dans certaines écoles communales que durant la période du gouvernement de Vichy.
Dans cette bonne quarantaine de textes, nous avons choisi ceux qui nous parlaient le plus mais bien d’autres sont à découvrir. L’intérêt de l’ouvrage est documentaire (idées développées pour maintenir le moral chez les catholiques) et littéraire, il n’est en aucun cas à être pris pour un récit historique même si certains textes en ont la couleur, en effet le discours est dépendant généralement d’une seule source qui convient idéologiquement à René Bazin. Le contenu porte les thèmes habituels traités chez Bazin, parfois dans la perspective de construction de la France d’après-guerre.
Pour tous publics Quelques illustrations