Avis de Patricia : "Brémond face aux Zemmours ennemis des étrangers, contre la Porte et avec en embuscade Lawrence"
Édouard Brémond est, pour son rôle au Proche-Orient, un personnage à la fois oublié par certains et controversé par ceux qui se sont intéressés à ses actions dans cette région durant la Première Guerre mondiale et dans l’immédiate après-guerre. Nul doute qu’un ouvrage écrit par Rémy Porte ne pouvait qu’éclairer le lecteur ; on connaît en effet la rigueur et la déontologie dont cet auteur a déjà faites dans d’autres études (une bonne part concernant directement ou indirectement le premier conflit mondial).
On sait que l’expédition de Madagascar en 1895-1897 fut, de toutes les aventures françaises de conquête coloniale, de loin la plus conséquente en moyen humain et la plus médiatisée. Le capitaine Brémons en fut et le général Gallieni y gagna une gloire militaire et la France ajouta là à sa liste de violences coloniales le massacre d'Ambiky. La prise de Tananarive le 30 septembre 1895 déboucha sur toute une série de manifestation patriotique dans l’hexagone, on vit en particulier les professeurs d’histoire du secondaire sommés par leur ministre de célébrer cette action. Les voitures Lefebvre (à découvrir page 4 du document téléchargeable ici https://www.musees-sens.fr/wp-content/uploads/2020/04/Dossier-G%C3%A9n%C3%A9ral-Duchesne.pdf) servant à transporter vivres et munitions ne résistent pas au relief montagneux de la plus grande île du continent africain. Ce sont 4 600 militaires français de tout grade qui meurent durant cette campagne, une large proportion d’entre eux succombe du fait de fièvres.
Édouard Brémond fut chef adjoint de la mission militaire française au Maroc en 1909 puis participa à la pacification du pays en combattant trois ans plus tard notamment les Zemmours qui avaient l’habitude de s’attaquer à tout étranger à leur propre tribu passant dans ou non loin de leur territoire.
Là où le lecteur attendait des éclaircissements c’est évidemment dans la mission au Hedjaz de notre personnage, époque où il côtoie largement le futur Lawrence d’Arabie. Apparemment cet Anglais était en grande difficulté pour discipliner les Bédouins qui ont tendance à disparaître avec le fusil qu’on leur a donné pour combattre les Turcs. Brémond illustre ce fait en citant un proverbe arabe : « Celui qui compte sur l’appui des Bédouins ressemble à un homme qui voudrait bâtir sa maison sur l’eau ».
Apparemment Lawrence d’Arabie a grandement contribué à bâtir sa légende, sans attendre que le cinéma s’en empare. Notre Anglais et notre Français, souvent rivaux, partagent toutefois la même ignorance des accords que passent le Royaume-Uni et la France pour se tailler des espaces coloniaux dans des territoires dont les représentants entendent voir se constituer un royaume d’Arabie. Le colonel Brémond dispose de bien peu de moyens humains à la fois pour encadrer la révolte arabe et défendre la Cilicie après-guerre. Rémy Porte montre bien comment le gouvernement de Clemenceau sacrifie les intérêts des populations arméniennes sur l’autel du kémalisme.
Si l’action politique fut brouillonne, les responsabilités du général Gouraud dans une présence bien trop minimale des troupes françaises pour éviter des affrontements entre communautés et sabotages turcs sont très largement engagées. La réputation d’arménophilie de Brémond a été largement reprise par ceux qui se sont intéressés à l’abandon de la Cilicie aux Turcs ; les sources de cette affirmation ont été reprises dans la presse française de l’époque. En fait si notre personnage est hostile aux Turcs kémalistes, il est attentif à la sécurité autant des Arabes musulmans que des Turcs, des Kurdes ou des chrétiens de toutes origines. En fait il chercha à protéger les Arméniens réfugiés pour une bonne part d’une autre région.
Le départ précipité des troupes françaises en février 1920 de la ville Marache (aujourd’hui Kahramanmaraş) en Anatolie a ruiné la confiance que les populations arabes pouvaientt avoir en ces dernières et a été suivie par de nouveaux massacres de chrétiens dans cette ville. Il est désolant de découvrir que d’autres massacres d’Arméniens se produisirent ailleurs dans cet immédiat après-guerre du fait de l’indigence des forces françaises présentes en Cilicie. Rentré en métropole, Brémond commande un régiment d’infanterie à Compiègne et termine à Toulouse comme général de brigade.
Pour connaisseurs Aucune illustration