Mémoires d’un rat

Le capitaine Louis Moufflet, qui est mis en scène dans la BD  Les poilus d’Alaska avait servi au 158e R.I. entre 1897  et 1901. C’est un régiment composé de soldats originaires de la région de Lyon quand démarre le conflit en l’été 1914.Du fait de ses faits d’armes sur la colline de Notre-Dame-de-Lorette, au cours de la bataille de l'Artois en 1915, il a gagné le surnom de régiment de Lorette.

Lorsqu’éclate la Grande guerre, Pierre Chaine est mobilisé dans ce régiment au début de la Grande Guerre, toutefois lorsque paraît au cours de l’année 1916 en feuilleton dans le quotidien L’œuvre le récit Mémoires d’un rat il est  lieutenant mitrailleur au 370e régiment d'infanterie où l’on trouve nombre de Vosgiens. Le succès du feuilleton puis de l’ouvrage fait que cette histoire trouvera un prolongement dans Commentaires de Ferdinand, ancien rat de tranchées.

Le narrateur est le rat Ferdinand, mascotte du soldat Victor Juvenet. Cet angle d’attaque permet de faire passer en sourdine certaines réalités sur l’univers des tranchées que la censure aurait plus difficilement laissé passer. D’ailleurs les premières pages sont une attaque en règle contre le contenu de la presse de l’époque en général :

« La prose des journaux a donné aux lecteurs l'habitude d'un tel diapason que le tour de mes mémoires va leur paraître bien terne (…) On ne retrouvera pas sous ma plume l’héroïsme souriant et bavard des « récits du front », ni les blessés qui refusent de se faire évacuer, ni les mutilés impatients de retourner au feu, ni les morts qui veulent rester debout » (page 11)

On perçoit également bien le fossé qui en découle entre la vision que se font les civils de cette guerre et sa réalité. Stéphane Maltère assure la présentation, les notes et les questions pour cette édition scolaire, où il a choisi les coupes nécessaires dans ce type de publication. En plus de questions de stylistique, ce dernier fait le tour des textes de l’époque qui permettent d’approcher la Première Guerre mondiale grâce à ses acteurs : lettres, carnets, journaux de tranchées, romans, poèmes. Il cite des auteurs et des œuvres en exemple.

De plus il relève dans plusieurs livres, racontant la Première Guerre mondiale, publiés entre 1916 et aujourd’hui (il va jusqu’à 14 de Jean Echenoz paru en 2012) la place que les animaux y occupent. Si on apprécie de voir évoquer Flambeau, chien de guerre de Benjamin Rabier, par contre la légende qui parle de planche reproduite, alors qu’il s’agit d’une des couvertures du livre surprend. De plus cette couverture n’est en rien porteuse du sens de l’œuvre et le commentaire fait totalement l’impasse sur l’idée que le message est que les animaux sont avec les poilus et contre les boches. Dans cet album la particularité est que l’on a une seule image par page ou une image sur une double page.

Il s’agit là du seul document iconographique, alors que l’on aurait aimé au minimum au moins un des dessins d’Hautot qui ont accompagné la première publication ou une eau-forte de T. Polat pour une parution en livre en 1920. Une photographie de l’auteur n’aurait pas été inutile. Cheval de guerre et Flambeau, chien de guerre sont les deux seuls titres de littérature de jeunesse évoqués par Stéphane Maltère, à ceux que nous mettons plus bas dans cette page, on ajoutera Passager clandestin de Michael Foreman où l'animal fétiche est une tortue. On apprend par ailleurs que Ronge-Maille vainqueur de Lucien Descaves, auteur libertaire, censuré en 1917 et paru en 1920 fonctionne également avec un rat narrateur.    

Une illustration d'Hautot qu'on aurait aimé trouver dans cet ouvrage