La grande séparation

Philippe Waret est un ancien président de la société d’Émulation de Roubaix et en 2013 il avait proposé, chez Atramenta, "L'Occupation Allemande à Roubaix - 1914-1918". Il maîtrise parfaitement ce qui a pu se passer dans cette ville du Nord, une des cités françaises où la présence germanique est une des plus longues puisqu’elle s’étend du 25 août 1914 au 17 octobre 1918. Le lendemain de leur départ, sont là Georges Clemenceau et son ministre de l’armement Louis Loucheur (né à Roubaix le 12 août 1872).

Deux jours plus tard rentre le maire socialiste Jean-Baptiste Lebas, arrêté par les Allemands et interné à la forteresse de Rastadt jusqu'en janvier 1916, avant que ces derniers ne le libèrent en France non occupée dans le cadre d’un échange de civils emprisonnés. Jean-Baptiste Lebas est décoré de la Légion d'honneur en octobre 1918 pour son courage. Ces informations, et beaucoup d’autres, sont contenues dans la partie de 30 pages, rédigées par l’ancien conservateur des Archives municipales de Roubaix, sous le titre de "Chronologie des évènements pendant l’occupation allemande à Roubaix".

"La grande séparation" de Philippe Waret est un roman historique d’une grande puissance, dont l’action se déroule uniquement à Roubaix ; nous approchons ce que put être la vie de citadins des treize départements partiellement ou totalement occupés. Roubaix a la particularité d’être à vingt kilomètres (à vol d’oiseau) d’un front qui reste à peu près stable au niveau d’Armentières. L’action débute de nos jours, alors que deux squelettes de civils français sont découverts dans une cave d’une usine où ils avaient été enfermés. Lorsqu’un bombardement allié frappa au printemps 1918 la ville (apprendra-t-on plus tard), ce qui était leur prison toute provisoire devint leur tombeau, du fait de l’effondrement de l’ensemble des bâtiments de la manufacture. Parce que l’on a retrouvé un médaillon au nom d’Amélie près des deux corps, une femme de vieille famille roubaisienne pense qu’il peut s’agir d’une grande tante Amélie qui avait disparu lors de la dernière année du conflit. Ce serait bien trop simple et l’on découvrira quels liens ont pu exister entre Amélie et la femme (une vilaine boiteuse, ce qui donne un côté de récit du début du XXe siècle) dont on a retrouvé le corps. Grâce à la consultation d'un carnet de souvenirs écrit quelques années après le conflit et des recherches en archives, deux journalistes vont trouver ce qu’est réellement devenue Amélie en 1918 et au-delà.

Entre temps le récit, avec un narrateur omniscient de l’époque de la Grande Guerre, aura permis au lecteur d’approcher les dures conditions de vie des habitants de la cité et certaines formes de résistance et collaboration avec les Allemands. Chez le même éditeur "Le planqué des huttes" de Léo Lapointe évoque le camp des travailleurs chinois de Noyelles-sur-Mer (au nord-ouest de la Somme) et le célèbre camp militaire britannique d'Étaples (dans le sud-ouest du Pas-de-Calais) est largement présent dans le roman historique "Dans l’œil du cyclope" de Jean-Christophe Macquet. Si mon titre est en langue régionale, pour faire couleur locale, par contre dans ce livre ce parler est totalement absent.