Avis de Alexandre : "Deux de la légion durant la Grande Guerre"
L’ouvrage, qui ne respecte guère la syntaxe française, puisque le béotien pourrait croire que Zinoview Cendrars est un seul et même personnage, est sous-titré heureusement Deux légionnaires dans la grande guerre. Regards croisés d’un peintre et d’un écrivain. Voilà donc le tir rectifié… On est là face à une des dernières expositions en lien avec les commémorations du centenaire de l’armistice de la Première guerre mondiale. Elle se tient du 15 juin 2018 au 6 janvier 2019 au Musée de la Légion étrangère d’Aubagne dans les Bouches-du-Rhône. Notons que l’Historial de Péronne a consacré une exposition à l’œuvre picturale de Zinoview plusieurs mois de l’année 2017, on bénéficie donc d’une publication chez Gallimard intitulé Alexandre Zinoview - Un peintre russe sur le front français (1914-1918).
Durant la Grande Guerre, la Légion étrangère compte environ 35 000 hommes avec un grand nombre d’Italiens jusqu’à ce que leur pays entre en guerre (ils sont alors reversés dans leur armée nationale comme Lazare Ponticelli, le dernier poilu, d’ailleurs évoqué dans les dernières pages). On compte aussi nombre de sujets russes, d’ailleurs souvent polonais ou et juifs quand ce ne sont pas des Arméniens. Complétons en rappelant par nous-mêmes que Blaise Cendrars évoque le fait que des sous-officiers et même des officiers sulbalternes qui reprochaient alors aux volontaires d’être là pour s’assurer de quoi manger. Dans La Main coupée, il écrit : « il y avait chez nous des étrangers qui s’étaient engagés par amour de la France beaucoup plus que par haine pour l’Allemagne (…). Tous n’avaient donc pas obéi à des sordides intérêts d’ordre alimentaire ou de basse police, et tout le monde fut ulcéré des paroles du lieutenant ».
Si Apollinaire est bien née sujet russe d’origine polonaise (quoiqu'il vit le jour en Italie), il a le privilège de servir dans l’armée française, du fait selon nous que sa demande de naturalisation est en cours quand il s’engage et qu’il bénéficie de relations. Avec Apollinaire, l’écrivain étranger le plus connu à s’engager est le Suisse Blaise Cendrars qui laissera une main dans le conflit.
Parmi les peintres, dont le nom est destiné à rester dans l’histoire de l’art, on a encore des sujets russes Moise Kisling (connu pour sa Kiki de Montparnasse), Georges Artemoff, Louis Marcoussis, Ossip Ziadkine et Alexandre Zinoview. Nous ajouterons personnellement que ce dernier est d’ailleurs devenu à Paris, en échange d’une libération d’une prison russe, un agent de la police du tsar, ce qui explique qu’il n’est guère de problèmes financiers dans les années 1910. Il servira, pendant toute la durée de la guerre, dans la légion mais aussi comme interprète auprès des troupes russes engagées en France. Sur l'histoire du contingent russe en France, se reporter à l'excellent ouvrage 1917 LE LIMOUSIN ET LA ЯÉVOLUTION ЯUSSE: ЯEGARDS INVEЯSÉS.
L’ouvrage démarre en nous présentant brièvement la vie parisienne de chacun des deux hommes puis leur parcours de soldat. Il s’agit ensuite de mettre en regard les tableaux et dessins de Zinoview avec les textes de Cendrars. Cet ensemble de près de quatre-vingt pages se décline en diverses parties : l’engagement, premier mois au front, vivre la guerre, le temps pour soi du combattant, l’homme brisé. Le ton des tableaux s’inspire de l’art russe réaliste et symboliste de la Belle Époque mais aussi des tendances postimpressionnisme, cézannisme et fauvisme qui ont percé dans l’art français. Ce sont plus de cent-vingt œuvres et documents qui seront rassemblés pour cette exposition.
Le livre se termine avec une partie intitulée "De New-York à Québec : récit de la tournée de la légion en Amérique" (une activité de propagande qui consiste à envoyer outre-Atlantique durant l’été 1917 une centaine de légionnaires dont Zinoview) et une autre nommée "Le rôle mémorable de la légion de 1914 à 1918" (avec en particulier un mot sur le poète américain Alain Seeger qui décède dans les combats de la Bataille de la Somme à l’été 1916).
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