Une voix de Femme dans la mêlée: Le manifeste d’une indignée pendant la Grande Guerre

Marcelle Capy était la fille d’un officier de marine né dans le Lot et c’est dans ce département qu’elle finit son existence. Le 5 janvier 1918, Pierre  Brizon lança avec Marcelle Capy La Vague, un hebdomadaire socialiste, pacifiste et féministe. Rappelons que le député de l’Allier fut un des trois Français présents fin avril 1916 à Kienthal pour une conférence pacifiste internationale (voir Pierre Brizon pacifiste : Député socialiste de l’Allier, pélerin de Kienthal) .  

Illustration absente du livre

Elle épousa Pierre Brizon en 1922, s’en sépara en 1923 mais ce dernier mourut le premier août de cette même année avant qu’un divorce fut prononcé, si bien qu’on aurait pu appeler Marcelle Capy "la veuve Brizon". Le livre Une voix de Femme dans la mêlée est paru sous ce titre en 1916, grâce à l’intervention du président du conseil d’alors Aristide Briand.  En 1936 l’ouvrage est publié dans son intégralité car il avait été largement caviardé par la censure. Dans cette édition, publiée par les éditions Entre-Temps, deux styles graphiques différents (l’un entre crochets) permettent de saisir les coupures faites durant la Première Guerre mondiale.   

L’auteure nous présente une France essentiellement de l’intérieur qui reçoit de plein fouet le choc du conflit, la condition matérielle des femmes est largement décrite. Un des points les plus originaux est le développement des conditions de vie des réfugiées ; est très émouvant le texte où on voit une de ces femmes du nord obligée d’abandonner son jeune enfant faute de pouvoir l’allaiter du fait de ses difficultés à se nourrir elle-même. Dans certains cas, on a des informations qui informent sur des situations qui existent sur la longue durée. Ainsi on découvre qu’une mère ayant confié son enfant à l’Assistance publique ne peut le reprendre car l’administration lui demande de régler les frais qu’elle a engagés durant toutes les années où l’enfant est resté chez des nourriciers.

On apprécie que tous ces textes courts partent de la description d’une situation particulière vécue par un ou peu d’acteurs.  Pour obtenir des informations précises, elle va entre autre jusqu'à travailler quelques temps dans une usine d'amement:

« L’ouvrière, toujours debout, saisit l’obus, le porte sur l’appareil dont elle soulève la partie supérieure. L’engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions ( c’est le but de l’opération), relève la cloche, prend l’obus et le dépose à gauche. Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg. Au bout de 3/4 d’heure, je me suis avouée vaincue.

J’ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos. Arrivée fraîche et forte à l’usine, elle a perdu ses belles couleurs et n’est plus qu’une mince fillette épuisée. Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête : 35 000 kg ».

Les chapitres de l’ouvrage ont pour nom : "Ceux qui se battent", "Ceux qui pleurent", "Ceux qui sauvent", "Les morts", "Les grotesques", "Temps de guerre".