Avis de Alexandre : "Cette guerre tue aussi des femmes"
Notre Dame la Guerre est une série débutée en 2009 ; elle s’échelonne sur quatre ans, à raison d’un tome annuel. Elle est portée par un souffle historique puissant et la tonalité des dialogues sonne bien plus juste que dans la précédente série. En 1935 dans un village fictif du Tarn-et-Garonne, on découvre sur son lit de mort Vialatte un gendarme retraité ; d’autres vignettes prenant pour décor des communes rurales de ce département existent pour illustrer l’annonce de la déclaration de guerre et la vie à la Belle Époque. Il évoque l’enquête qu’il a menée sur une série de meurtres commis sur des femmes non loin du front vers Épernay à partir du début de l’année 1915. Chacune d’entre elles exerçait un métier différent mais toujours en rapport étroit avec la troupe. L’assassin est très certainement un soldat mais le lecteur n’arrive guère à deviner son identité au cours des trois premiers tomes. Alors qu’on n’a identifié pour l’armée française qu’un seul cas de ce type dans les spahis marocains (une certaine Fatima), une jeune fille travestie s’est engagée.
Dans Les Trois Couleurs le journal pour enfants contemporain du conflit qui présente la Grande Guerre essentiellement par le biais dramatique, les histoires en images qui présentent des héroïnes revêtant l’uniforme optent systématiquement pour un engagement dans l’armée russe lorsqu’elles combattent et du côté anglais lorsqu’elles servent sans porter les armes (chauffeur de général par exemple). Ce journal qui explore l’héroïsme féminin vers toutes les pistes possibles (espionne, infirmière, saboteuse, dénigreuse d’affiche allemande…) se refuse à mettre en scène une femme française revêtant même temporairement l’uniforme car cela relève de l’impensable.
Dans Notre mère la guerre la jeune fille faisait partie d’une bande d’Apaches parisiens vers qui le scénariste semble vouloir conduire les soupçons du lecteur pour mieux le surprendre vraisemblablement dans le tome 4. Le tome 3 met en scène des soldats voyageant en train qui se réjouissent à la vue de gendarmes pendus par un lynchage (auquel ils n’ont pas assisté) et une manifestation de midinettes à Paris. Une très originale approche de la Grande Guerre, sachant éviter les lieux communs et les incongruités historiques, qui ne peut être abordée que par des lycéens et des adultes. Si les deux premiers tomes couvrent pour l’essentiel l’hiver 1914-15, le troisième tome débute en mai 1917 aussi les caractéristiques des attaques ont évolué. Le lieutenant Vialatte sert dans les chars puis reprenant son enquête il connaît une attaque aux gaz en première ligne non loin d’Arras alors qu’il se trouve en compagnie de soldats canadiens.