Avis de Octave : "Léon Mirman, comme Aristide Briand, est un socialiste indépendant … de tout et surtout du socialisme"
"Histoire de la Grande Guerre" est de Léon Mirman est paru à l’origine sous le titre de " Histoire de la Grande Guerre racontée à la jeunesse". Si à l’époque on pouvait le destiner à un lectorat de douze à dix-huit ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui et l’éditeur a bien fait de modifier le titre.
Il s’agit là à la fois un ouvrage qui donne une vision globale et vulgarisatrice de la Première Guerre mondiale et qui permet de pointer comme, de façon assez consensuelle comment les Français de l’Entre-deux-guerres voyaient cet évènement historique. De plus il permet de s’intéresser à un personnage qui reflète bien que le nationalisme est une valeur qui à la Belle Époque passe définitivement des idées de gauche aux idées de droite.
L’auteur Léon Mirman est député socialiste indépendant puis radical puis progressiste (allant de la gauche vers le centre) de la Marne entre 1893 et 1905. Il joue un rôle très actif dans l’élaboration de lois sociales. Il est blessé lors de l’attentat perpétré par Gisolme contre Briand le 17 janvier 1911, alors qu'en tant que commissaire du gouvernement, il assiste ce dernier durant la discussion du budget du ministère de l'Intérieur. Il est préfet de la Meurthe-et-Moselle de 1914 à 1918, un département dont une partie est occupée par l’armée allemande durant quasiment toute la guerre.
Est-ce sa fréquentation conséquente de Barrès, député de Nancy durant tout le conflit, qui l’influença quand il choisit de se rallier à l’Action française dans l’Entre-deux-guerres ? Ce tournant, il dit dans "La route nationale" l’avoir pris durant cette période. Pas seulement, car il est antidreyfusard. Par ailleurs en 1898 dans la "Voix du peuple", il dénonçait la concurrence déloyale des ouvriers étrangers et avançait que ces travailleurs prendraient l'argent gagné avant de rentrer chez eux. On voit que dans son socialisme, la marche internationaliste ne pouvait être par lui franchie. Par contre en se tenant fermement sur les gradins de l'antisémitisme, il n'a plus sa place dans la gauche du début du XXe siècle.
Sur son antiparlementarisme, nous éclaire sa préface à l’ouvrage " Le sabotage officiel de l'histoire de France" de Georges Champenois (poète, maître es jeux floraux en 1920 après avoir été lauréat en 1916 de la Violette des ces mêmes jeux), paru en 1930. Voilà un ouvrage, que nous avons personnellement retrouvé. Il permet de comprendre que pour lui, ancien député, le parlement est devenu une « cour d’asile d’aliénés ». Il dit que la République actuelle est le contraire de celle qu’il avait rêvé à savoir « sévère aux puissants, douce aux faibles, forte et généreuse, subordonnant l’intérêt des partis à l’intérêt national, une République honnête, pure, exaltant chez tous le sentiment du devoir, ayant pour ressort la vertu civique, la République enfin ? ».
( Léon Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, avec des enfants à Vitrimont en novembre 1915)
Agrégé de mathématiques, l’auteur n’est certes pas historien et on le voit très bien dans par exemple à la page 196, où il se risque à une condamnation morale, d’ailleurs strictement fondée sur la croyance que dans ce conflit la France était du côté du droit. On peut donc lire ceci :
« La Grèce revint peu à peu à ses traditions nationales, elle cessa d’être un misérable comptoir d’intrigues allemandes, et elle va bientôt agir à nos côtés. Son rôle, de 1914 au milieu de 1917, fut indigne de son passé et causa une grande tristesse aux nombreux latins qui (…) continuent à reporter sur la Grèce moderne un peu de leur ardente sympathie pour la Grèce antique, cette merveilleuse initiatrice de la civilisation d’Occident ».
Le discours sur la responsabilité de la guerre est évidemment sans concession pour l’Autriche-Hongrie et le Reich. L’échec de nos armées est mis sur une infériorité matérielle et humaine et la victoire de la bataille de la Marne est attribué principalement à Joffre, même si l’auteur passe en revue d’autres généraux qui selon lui partagent ce mérite, tout en oubliant le principal Charles Lanrezac, le vainqueur de la bataille de Guise, qui replie ses forces, en violant les ordres de Joffre.
Le texte contient quelquefois des allusions à l’univers historique appris à l’école, ainsi l’auteur parle à propos des Turcs de vassaux complaisants de l’Allemagne (page 197). De coupables simplifications permettent de faire l’impasse sur des faits d’armes allemands comme la résistance au Tanganyika dans les douze lignes consacrées aux batailles dans les colonies allemandes en Afrique.
L’appendice expose en particulier le contenu des traités et le problème des réparations. Il se clôt par des mots qui reflètent tout à fait l’esprit du livre, ceci en rappelant que sur la liste des criminels de guerre, dans l’ordre de la culpabilité, le nouveau président Hindenburg est en position significative :
« si le n°237 a été élu Président du Reich, ce n’est pas malgré ces attentats, mais à cause d’eux, parce qu’il les a ou laissés commettre ou directement ordonnés. Qui désormais, en France, aura l’impudeur de prêcher l’oubli ? » (page 307)
Le point très positif du livre vient de l’importance de l’illustration qui occupe environ un sixième de la surface. Toutefois, elle est composée pour l’essentiel de photographie d’identité de militaires et de cartes géographiques.
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