Avis de Adam Craponne : "Des étrangers sur lesquels on compte énormément"
Certes la France n’a pas attendu la Première Guerre mondiale pour être une terre d’immigration, les conséquences démographiques de guerres de Napoléon Ier et dans une moindre mesure de Napoléon III y étant pour quelque chose. Toutefois si des nationalités déjà fort nombreuses, comme les Belges, ont largement cru du fait des évènements mais en plus pour la première fois de son histoire cette immigration s’est mondialisé avec en particulier l’arrivée de Vietnamiens (voir "Des Vietnamiens dans la Grande Guerre" de Mireille Le Van Ho) et de Chinois (se reporter à "Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale").
Laurent Dornel est un historien spécialiste des questions d’émigration, il offre cinq chapitres ; le premier est consacrés aux statuts divers de civils et soldats étrangers prisonniers, un Belge n’est par perçu de la même façon qu’un Alsacien-Lorrain du petit morceau d’Alsace libérée ou de quelques villages lorrains du Reichsland provisoirement occupés à l’été 1914 par les soldats français (voir "Prisonniers des libérateurs : les otages alsaciens-lorrains en France pendant la Grande Guerre), un Tchèque ou Polonais de nationalité autrichienne n’a pas le même régime qu’un Allemand de nationalité autrichienne, une femme née française et mariée à un étranger ayant une origine allemande a la nationalité allemande mais n’a pas les contraintes d’une femme née en Allemagne et ayant épousé un Allemand…
On a ensuite une étude sur les soldats étrangers combattants présents sur le sol de l’hexagone, qu’ils viennent des colonies françaises, servent dans la Légion étrangère ou qu’ils soient originaires de pays alliés ou ennemis. Il est bon de rappeler même en une seule phrase que 90 000 Portugais servent en France, pour en savoir un peu plus on se dirigera à "Première Guerre mondiale (Centenaire 1914-2014) : les soldats portugais dans les tranchées et la main d'œuvre portugaise à la demande de l'État français".
Le troisième chapitre s’intitule "Étrangers et coloniaux au travail" et on y rapporte les observations que croient utiles de faire la Sureté du territoire sur l’esprit travailleur revendicatif et partisan ‘face au conflit) des diverses nationalités. Dans une thèse qu’il soutient en 1919 Joseph Lugand classe d’après des rapports du ministère du Travail dans une échelle de 1 à 9 le rendement des ouvriers étrangers mettant en tête dans l’ordre les Italiens, les Espagnols et les Portugais et en dernier toujours dans l’ordre les Chinois, Vietnamiens ainsi que Malgaches et Martiniquais réunis (page 48). De là s’ensuivent les querelles entre étrangers, en particulier dans la concurrence pour séduire une Française et les mariages mixtes. Se pose ensuite successivement la question des rapports entretenus entre population française et populations civiles étrangères ou coloniales.
Si le chiffre d’une quinzaine d’unions entre Chinois et Françaises n’est pas faux pour la durée de la guerre, ajoutons qu’il faudrait tenir compte que les mesures visant à empêcher ces unions ne font parfois que les retarder et qu’on a trace de mariage sino-français entre 1919 et 1921 qui ont été retardés par l’action de diverses autorités. La question des salaires et des conditions de travail différenciées entre nationaux (masculins et féminins) est survolée. Le dernier chapitre fait le point sur l’immigration dans les années 1920, la crise économique des années trente et l’apparition de régimes autoritaires ou fascisants en Europe venant rebattre de façon drastique les cartes. En conclusion est magistralement expliqué pourquoi et comment la Première Guerre mondiale « a représenté un tournant majeur dans l’histoire des rapports des Français à l’étranger pour de nombreuses raisons » (page 81).
En résumé voilà une sorte de "Que sais-je" (nombreuses illustrations en plus, un peu petites toutefois) sur la question s’appuyant sur des études récentes spécialisée dans une des catégories de populations présentées. Ces études ont une dimension globale et suivre des destins individuels dans des revues ou des musées comme le travail réalisé par le musée de La Machine dans la Nièvre permet une approche plus nuancée et surtout aide à percevoir le maintien plus important après-guerre en nombre qu’on ne le pense généralement de travailleurs coloniaux ou étrangers.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations Plan thématique
pendant la guerre de 1914-1918"
Durant la Première Guerre mondiale, 140 000 Chinois
sont recrutés dans le cadre des contrats passés entre
la Chine, la France et le Royaume-Uni. Ces Chinois
arrivent pour la plupart de Mandchourie, épuisés
après deux mois de navigation jusqu’à Marseille. Ils
sont soumis à un contrôle sévère et répartis dans les
manufactures d’armes ou envoyés sur le front pour
« nettoyer les tranchées ». Ils ne rentrent en Chine
qu’en mars 1919. Quelques-uns se sont fixés à Lyon
ou à Paris. Deux mille d’entre eux reposent en France
dans la Somme.
Le 19 mai à 18 h aux archives départementales de Nantes Han Jun ZHANG
Université de Shanghai sur le sujet
https://www.youtube.com/watch?v=e8PDkQKt9K0
Café d’Histoire avec Loan Vo Du à l'Historial de Péronne
Mardi 2 avril 2019 à 18h30 : Entrée libre – salle du théâtre de verdure – renseignement/réservation à resahgg@historial.org ou 03.22.83.14.18