Avis de Adam Craponne : "Dans la bibliotèque de la prison, y-avait-il le roman du Comte de Monte-Cristo?"
L’ouvrage est sous-titré Alsaciens et Allemands internés à Marseille en 1914. Durant le premier mois de guerre, les Français percent en Alsace car les Allemands sont bien occupés en Belgique. Durant leur plus ou moins longue occupation d’une partie de l’actuel département du Haut-Rhin (ils vont jusqu’à Mulhouse et Colmar mais doivent sur replier sur Thann et Dannemarie), ils arrêtent nombre de fonctionnaires ou notables du Reich, allemand d’outre-rhin ou alsacien. Par ailleurs des ressortissants de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie n’ont pu être rapatriés dans leur pays au moment où la guerre est déclarée et certains de ces sujets des empires centraux en transit maritime au cours du conflit ont été arrêtés dans des ports et en particulier celui de Marseille.
Des ouvrages comme Prisonniers des libérateurs: Les otages alsaciens-lorrains en France pendant la Grande guerre et Le monastère noir: 1914-1919 Les mémoires d’un indésirable ont évoqué les conditions d’arrestation et d’internement de ces hommes et femmes. Dans le premier, une exceptionnelle recherche iconographique permet de rehausser l’intérêt, la plupart des personnages alsaciens présentés dans Prisonniers au château d’If et aux îles du Frioul sont également évoqués dans Prisonniers des libérateurs: Les otages alsaciens-lorrains en France pendant la Grande guerre.
Cour intérieure du château d’If (image absente de l'ouvrage)
Des commissions où siègent Georges Weill (député au Reichstag), Blumenthal (ancien maire de Colmar) et Wetterlé (fameux abbé alsacien, député au Reichstag) font le tri dans les camps et permettent de libérer certains internés d’origine alsacienne ou lorraine. Toutefois on verra qu’Albert Litschgy, l’instituteur alsacien de Kruth, qui "persiste à proclamer sa foi en une Alsace allemande", est libéré en janvier 1919 pour être assigné en résidence.
On a ici la réunion de onze témoignages, parus à l’origine généralement en allemand, provenant d’internés à un moment plus ou moins long dans les îles proche de Marseille. Se succèdent les mémoires de Max Brausewetter, Joseph Rink, Eugène Fashauer, André Hartmann, Paul Vosselmann, Prosper Arnold, Albert Litschgy, Joseph Burgy, Lucien Duss et des pères Caspar et Wolfang.
Parmi ceux-ci on distinguera le cas des Allemands comme le médecin Max Brausewetter, les religieux Joseph Rinsk, Wolfgang et Caspar qui se trouvaient en Espagne avant la guerre et prirent un bateau (sous pavillon espagnol) à destination de l’Italie (alors neutre) qui fit escale à Marseille où normalement ils n’auraient pas dû être arrêtés, car le consulat français de Barcelone avait précisé leur situation de prêtre ou de médecin.
Les Alsaciens sont l’instituteur Eugène Fashauer (né en 1851 et francophile, dénoncé à tort d’espionnage par un fermier qui avait été victime de réquisition de l’armée française), André Hartmann maire de Hagenbach, le médecin Paul Vosselmann de Mulhouse, l’épicier Prosper Arnold de Kruth (accusés à tort de germanophilie par un villageois), Joseph Burgy d’Aspach non mobilisé dans l’armée allemande mais en âge de porter les armes, Lucien Duss âgé de 15 ans en août 1914 qui est arrêté pour une sortie en vélo hors de son village et Albert Litschgy (voir infra). L’intérêt du contenu est que l’on a là des témoignages qui apportent de multiples renseignements tant du point de vue matériel que psychologique (pour les témoins et les Français). De nombreux compagnons des prisonniers sont évoqués et cela est également intéressant.
Poue aboder de façon réaliste la vie dans la cinquantaire de commmunes du Haut-Rhin occupées par l'armée française durant toute le durée de la guerre, voir Finnele, tome 1: Le Front d'Alsace d'Anne Teuf et pour découvrir comment cela était présenté aux jeunes Français lire Bécassine pendant la Grande Guerre.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations