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Clemenceau chef de guerre

Clemenceau chef de guerre
Armand Colin223 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse (Georges Clemenceau)"

Il est inutile de rappeler que vouloir comprendre la Première Guerre mondiale en faisant l’impasse sur la personnalité est une gageure. Si aujourd’hui le personnage fait consensus auprès des Français, à l’exception des militants d’extrême-gauche (qui se rappellent ses répressions à l’égard des mouvements sociaux et des pacifistes) ce ne fut jamais le cas lors de sa vie.

Dès la signature du Traité de Versailles, une partie des journaux de droite et d’extrême-droite lui reprochent de ne pas avoir fait de la Rhénanie un état-tampon et d’avoir plus globalement démantelé l’Allemagne. L’ouvrage rappelle sur ce sujet le rôle offensif de Foch dans des attaques fort peu civiles (mais pas pour autant militaires) à l’encontre de G. Clémenceau. Jean-Jacques Becker dit bien que G. Clemenceau n’écrivit son livre « Grandeurs et misères d’une victoire » que pour répondre aux idées de critique globale de son action (et pas seulement autour de la question rhénane) qu’avançait Foch et qui se retrouvaient plus ou moins bien reprises et adaptées dans de nombreux journaux et livres des Années folles.
Ce dernier ose écrire dans un journal de plus étranger ( le « New York Tribune » du 10 octobre 1922) , alors que la visite privée de Clemenceau aux USA est destinée à rappeler que la France ne pourra rembourser sa dette aux Américains que si l’Allemagne paie la reconstruction : « Guillaume II a perdu la guerre, et maintenant il essaie, notamment aux États-Unis, de se justifier avec ses « Mémoires », Clemenceau a perdu la paix ; son apologie aurait peu de succès en France, il espère en avoir plus aux États-Unis ».

Pour l’époque Foch a remporté une dernière victoire, celle d’avoir poussé Clemenceau à donner son testament politique, Jean-Jacques Becker cite là fidèlement Samuel Tomeï auteur de la formule. Certaines idées de Foch semblaient d’ailleurs appuyer des écrits de Poincaré destinés à montrer sa propre compétence et à dévaloriser celle de Clemenceau. Rappelons que Poincaré revient au pouvoir comme président du conseil (équivalent de Premier ministre) de 1922 à 1924 puis de 1926 à 1929 (la victoire du Cartel des gauches explique l’interruption), aussi ses propos sur la Grande Guerre, loin de faire œuvre d’historien, sont destinés à justifier son action politique d’après-guerre. On voit à travers ce point que cet ouvrage autour de Clemenceau nous en apprend souvent beaucoup sur ceux avec qui ce dernier travailla (pas toujours mais dans la main) pour obtenir la victoire.

Cet ouvrage » Clemenceau chef de guerre » commence à situer en cinquante pages ce que fut la vie du personnage, sinon depuis sa naissance, mais du moins dès ses vingt ans atteints en 1861 et jusqu’en juin 1914. Le second chapitre est consacré à l’action de Clemenceau durant la première partie de la Grande Guerre, période où il est absent de tout gouvernement. Cependant en tant que Président de la commission des Affaires étrangères et de l’armée du Sénat, il est autorisé à passer à cinq reprises de une à dix journées sur le front ou dans la zone des grands quartiers généraux entre 1915 et 1917. Comme Président du Conseil il passe avec les combattants 60 jours soit 1 jour sur 4 de la période de guerre où il dirige le gouvernement, nous rappelle le troisième chapitre appelé « Au pouvoir ». La partie suivante aborde les négociations et la conclusion de la paix, faisant leur sort à un certain nombre d’affirmations sur les exigences de Clemenceau. Ce chapitre se termine par l’échec du Tigre à l’élection présidentielle de 1920 due tant à son orgueil qu’au fait que Briand, sachant que Clemenceau président c’était pour lui sept ans sans la présidence du conseil, manœuvra fort adroitement. Ce dernier s’était vu gratifier de bons mots de la part du Tigre tels qu’ « Il est capable de mentir même quand c’est inutile » et « Même quand j’aurai un pied dans la tombe, j’aurai l’autre dans le derrière de ce voyou ». L’ouvrage se termine en évoquant les dernières années de la vie du Tigre où comme il a été vu, il dû défendre ses actions passées alors qu’il aurait souhaité laisser le jugement de celles-ci à des seuls historiens.

Voilà un livre qui satisfera deux lectorats : celui des historiens professionnels et celui des amateurs d’histoire. En effet il allie la rigueur de l’historien universitaire avec la fluidité du récit, de plus les notes sont en fin d’ouvrage ce qui évite d’effaroucher celui qui n’aime pas les voir sur la page du récit. On ne peut d’ailleurs que recommander sa lecture à ceux qui s’intéressent aux conditions dans lesquelles l’armistice fut conclu, c’est la partie où celui qui a même une bonne connaissance de la question, en apprend le plus. On retiendra trois idées essentielles la première est, qu’en ce point d’accord avec Foch (mais pas vraiment avec Poincaré), il s’agit d’arrêter la guerre rapidement possible une fois que l’Allemagne est prête à reconnaître sa défaite, vu le coût humain déjà payé par la France. La seconde se résume à l’idée d’insister pour que dans les conditions d’armistice soient mentionné que l’Allemagne s’engageait à compenser les dommages qu’elle avait fait subir aux populations civiles des pays alliés (inutile de souligner sa nouveauté et ses conséquences). La troisième est que non conscient de l’état réel de désorganisation outre-Rhin, les dirigeants alliés civils et militaires pensaient fort envisageable qu’elle ne trouverait pas de gouvernement allemand pour signer un armistice début novembre. En conséquence ils s’étaient mis d’accord pour programmer une offensive en Lorraine (donc en particulier vers Metz) le 15 novembre qui devait couper l’armée allemande en deux dans un premier temps et prendre à revers dans un second mouvement une bonne partie de celle-ci.

Ce livre » Clemenceau chef de guerre » est à lire avant celui sous les directions de Sylvie Brodziak et Caroline Fontaine intitulé « Clemenceau et la Grande Guerre » (dont nous avions déjà rendu compte sur ce site) car Jean-Jacques Becker nous livre un récit fluide et une approche à la fois progressive et globale du personnage.

Il serait souhaitable que le musée dit des “Deux Victoires“ à Mouilleron-en-Pareds (entre Poitiers et La Roche-sur-Yon) puisse enfin montrer une collection permanente autour de Georges Clémenceau alors que pour le moment elle n’est consacrée qu’à De Lattre de Tassigny (autre natif de ce village vendéen). Un projet de rénovation existe pour ce musée national, malheureusement il est au point mort pour sa réalisation alors que le centenaire du début de la Grande Guerre avance à grands pas. On peut par contre visiter la maison de Clemenceau à Saint-Vincent-du-Jard (en Vendée et au nord de La Rochelle), mais il s’agit là plus d’une maison de souvenirs que d’un espace muséal et le commentaire qui en est fait aux visiteurs tient plus de l’apologie que du discours historique. Un Musée Clemenceau existe au 8 rue Benjamin Franklin à Paris, où G. Clemenceau fut locataire de 1895 à 1926.

Octave

Note globale :

Par - 464 avis déposés - lecteur régulier

16 critiques
02/10/16
me voilà traité de gauchiste, moi qui compte les millions de morts et de blessés, et qui suis anéanti devant tant de souffrances endurées par le peuple pendant que nos politiciens plastronnaient dans les salons !
16 critiques
02/10/16
alors, pour faire bonne mesure, je crie : Vive Caillaux, vive Jaurès !
751 critiques
30/08/19
Le bureau Daru, trait d'union entre Napoléon et Clemenceau, il aurait traversé la Moskova à dos de cheval
https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/le-bureau-de-georges-clemenceau-reconstitue-a-l-hotel-de-brienne-7789392974
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