Avis de Octave : "Pierre, ciseaux, papier en Somme"
Voici un ouvrage qui évoque pleinement, pour des jeunes de huit à douze ans, la présence de Chinois, comme travailleurs dans la zone des armées, en France durant la Première guerre mondiale. En matière de littérature de jeunesse, le roman historique pour les adolescents "Souviens-toi de moi" de Martine Laffon avait fait de même deux années auparavant. L’étude historique de Li Ma intitulée "Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale" cadre bien cette réalité. Sans être centré sur le sujet, le roman historique policier (pour adultes) "Le planqué des huttes" de Léo Lapointe évoque un Chinois qui a fui les très dures conditions de vie du camp des travailleurs chinois de Noyelles-sur-Mer.
"Te souviens-tu de Wei ?" nous fait suivre, à travers le personnage de Wei, le voyage depuis la Chine (avec quelques images de la Chine du début du XXe siècle) jusqu’en France qu’ont accompli environ 140 000 Chinois essentiellement les années 1916 et 1917. La priorité est donnée à l’illustration avec beaucoup d’expression d’actions sur une double-page ; le texte (où tout problème possible de vocabulaire a été écarté) est d’une trentaine de mots par double-page. Zaü adopte des traits et des couleurs suggestifs, dans le décor la priorité est donnée à des éléments significatifs. Le récit évoque le camp et le cimetière chinois de Noyelles-sur-mer en baie de Somme. Une vidéo présente l'ouvrage à l'adresse https://www.youtube.com/watch?v=R44Lqr2fMnM
Un dossier documentaire d’une demi-douzaine de pages est en fin d’ouvrage; il s'adresse à des jeunes de dix-douze ans. Si son contenu rappelle que 70% des travailleurs chinois furent mis à disposition de l’armée anglaise, il ajoute que les Français mirent un quart de leur contingent au service de l’armée américaine durant les douze derniers mois de guerre. Il n’est pas expliqué que le faible recrutement par les Français est dû à la consigne de certains milieux nationalistes chinois de ne pas le faire car en 1916 la France annexe un nouveau quartier de Tianjin au territoire de sa concession, c’est celui de l’église catholique et le prétexte est de la protéger. Ce fait est d'ailleurs mis en scène dans la BD "Tonnerre en Chine: Vincent Lebbe" chez Coccinelle.
Par ailleurs il est bon d’ajouter que les Japonais firent tout pour ne pas voir la Chine s’engager dans le conflit car le Japon s’était emparé au début du conflit des concessions allemandes et autrichiennes et entendaient bien les garder. Avec l’entrée en guerre de la Chine en avril 1917, la question du devenir de ces concessions devint un problème épineux au niveau international (voir "La Chine et le traité de Versailles (1919): une trahison occidentale").
coup de coeur !Accessible jeunesse Beaucoup d'illustrations