Avis de Adam Craponne : "Pour les Ardennais une longue et dure occupation"
Le département des Ardennes est le seul à avoir sur tout son espace des soldats allemands durant la Première Guerre mondiale. Par ailleurs il est, avec la Meurthe-et-Moselle, encore occupé le 11 novembre 1918 de façon non marginale car à cette date seuls un petit coin du département des Vosges et un liseré de la Meuse subissent encore la troupe germanique. En 1998, Gilles Deroche, dans l’ouvrage Les Ardennes pendant la Grande Guerre, avait déjà exploité certaines archives déposées à l’archevêché de Reims, celles où les curés des communes envahies du diocèse de Reims, comprenant la totalité du département des Ardennes et des communes du nord du département de la Marne, racontaient comment s’était déroulée l’occupation dans leur paroisse. On a eu 125 réponses pour 164 paroisses pour le premier département.
Par ailleurs l’Inspection académique des Ardennes relaie le questionnaire du Rectorat de Lille (pour le département du Nord, on trouve le contenu de certaines de ces réponses dans Souvenirs de guerre du recteur Georges Lyon 1914-1918) auquel quasiment au moins un instituteur par commune donne un retour, avec une écriture généralement bien plus lisible que celle des curés (ceci dit en passant). Malheureusement les réponses des maires à l’Inspecteur du travail de Charleville sont toutes parties en fumée dans l’incendie des Archives de 1940 dû à la Seconde Guerre mondiale. Par contre on a 112 témoignages de personnes autres que des enseignants de primaire ou des ecclésiastiques, j’ai été surpris de ne pas y trouver le cardinal Congar qui à Sedan, de 10 à 14 ans, ce dernier remplit plusieurs cahiers dont le contenu a été édité en 1997 sous le titre Journal de la Guerre (1914-1918), par l’éditeur Cerf. En fin d’ouvrage on dispose d'un tableau indiquant pour chaque commune de quel type de souvenirs on dispose, pour seulement une demi-douzaine de villages on n’a rien. Une carte, page 52, montre le front dans l’Aisne et la Marne.
L’ouvrage propose sept chapitres intitulés : La guerre vécue par les Ardennais en août 1914 avant l’arrivée des Allemands, L’invasion des Ardennes vue par les civils, La vie matérielle des civils dans les communes occupées, Les relations entre les militaires allemands et les civils français pendant l’occupation, Les enfants et les écoles, Le clergé et les paroisses, La libération des Ardennes en octobre-novembre 1918. L’auteur avance que de 15 à 20% des civils ardennais ont passé le conflit dans la France non occupée et principalement dans la Marne, l’Aube, la Haute-Marne et l’Yonne ; nos recherches personnelles nous permettent de dire qu’ils sont très peu nombreux en Bretagne ou Poitou. Les Ardennais que l’on trouve dans les régions de l’ouest appartiennent plutôt à une autre catégorie, celle des expulsés des années 1915, 1917 ou janvier 1918. Avec le repli des armées allemandes sur la ligne Hindenburg, des civils des villages de l’Aisne et de la Somme rendus à l’armée française arrivent dans les Ardennes. On a aussi le cas des Lilloises envoyées à la campagne pour travailler dans les champs.
L’arrivée de l’ennemi est suivie de nombreuses exactions soit par suite d’états d’ivresse soit pour le prétexte de l’existence de francs-tireurs soit pour des raisons diverses. De nombreuses interdictions sont imposées, en particulier celles touchant aux déplacements. Réquisitions, contributions financières et travail forcé pleuvent sur les habitants ; prison et déportation sont des sanctions courantes. Une part de la population est envoyée arbitrairement en Allemagne ou dans des territores pris aux Russes depuis la fin de 1914.
Cette carte n'est pas dans ce livre
Les Allemands exigent une présence à l’école des jeunes de 5 à 13 ans afin d’éviter qu’ils traînent dans la commune et ne remarquent certaines choses ; par ailleurs ils réquisitionnent la plupart du temps les locaux scolaires si bien que les élèves s’entassent dans des salles de bâtiments privés et déportent certains enseignants. En annexe, on a deux témoignages au contenu conséquent par une femme déportée en octobre 1914 et un curé arrêté parce qu’un pigeon voyageur avait été abattu à sept kilomètres au sud de son village et qu’on l’accusait d’espionnage. On relève plusieurs anecdotes où le Kronprinz essaie de se rendre sympathique. La couverture propose une reproduction d’un vitrail de Vouziers et d’un de Rilly-sur-Aisne qui évoquent les souffrances des civils du lieu durant la Première Guerre mondiale.
Pour tous publics Peu d'illustrations
Samedi 14 avril 2018 à 15 heures. Bibliothèque Carnegie Reims.
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