Avis de Patricia : "L’ouvrage qui sensibilisa précocement les francophones à l’idée du génocide arménien"
Ce titre est paru pour la première fois en 1980 à une époque où Gérard Chaliand était professeur à l'ENA avant de passer au milieu des années 1990 enseignant à l'Ecole supérieure de guerre. Yves Ternon fut d’abord chirurgien et il en vint à devenir historien en s’intéressant en particulier aux dérives de la médecine sous les nazis ; en 1981 il publiait un ouvrage sur Makhno l’anarchiste ukrainien bien connu et deux ans plus tard La Cause arménienne.
Dans les années 1980 les membres de l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie et de les Commandos des justiciers du génocide arménien ont perpétré des attentats, généralement contre les intérêts turcs en Europe et le génocide arménien. En 1985 l’ONU reconnaissait le génocide des Arméniens et nombre de pays suivirent d’année en année ; notons que les USA ne le firent qu’en 2021 et qu’Israël s’y refuse toujours en raison de ses liens étroits avec la Turquie. Un génocide est un crime visant à une large ou totale élimination d’un groupe national, ethnique ou religieux. De ce point de vue le terme de génocide vendéen est inapproprié dans la mesure où il s’est agi de réprimer des populations soutenant des hommes en armes, on est dans les crimes de guerres commis contre des gens qui n’ont pas d’identité que d’être des rebelles. Vendéen n’est pas une identité définie. De même les civils ukrainiens, victimes récemment des troupes russes, n’ont pas été massacrés dans le cadre d’un génocide comme le proclame le président du pays ; il ne s’agissait pas de réduire systématiquement une large population de nationalité ukrainienne.
Gérard Chaliand et Yves Ternon rappellent qu’il y a plusieurs massacres localisés d’Arméniens dans la Turquie ottomane au XIXe siècle. Ils avancent que le nombre d’Arméniens victimes des exactions est à situer entre 1 200 000 et 1 500 000. Si 300 000 échappent au massacre c’est qu’ils sont soit alors en zone ottomane occupée par les Russes soit parce qu’ils parviennent à se réfugier dans l’empire des tsars ; par contre seuls 100 000 Arméniens, susceptibles d’être déportés ou déportés, échappent à la mort. Notons que la population d’alors dans les limites de l’actuelle république d’Arménie n’entre pas sans ces comptes.
Nos historiens travaillent notamment d’après des documents allemands et austro-hongrois car le IIe Reich ainsi que la double-monarchie étaient alors fort présents dans une Turquie alliée dans le conflit en cours mais aussi avec des sources américaines car les USA, alors encore pays neutre pour la Première Guerre mondiale, avaient également des ressortissants dans le pays. On apprécie beaucoup la reproduction de nombre de ces textes.
Une large place est faite sur la présence du peuple arménien en c début du XXIe siècle ; avec les juifs c’est un peuple qui compte plus de membres dans la diaspora que dans le pays d’attache. Il est vrai que ce dernier a largement été réduit à la portion congrue par les accords passés par la Russie des soviets et la Turquie au lendemain de la Première Guerre mondiale (Kars et le Mont Ararat, symbole de l’identité arménienne, sont de ce fait en Turquie) ainsi que par la volonté de Staline (avant sa mainmise sur l’URSS) qui laissa passer nombre de villages arméniens en Géorgie et Azerbaïdjan. Sont évoqués également les tragiques évènements de fin 2020 au Haut-Karabagh et est mentionnée la fuite de nombreux Arméniens du Liban et de la Syrie du fait des guerres civiles. On apprécie, l’index des noms propres (personnes et lieux), la chronologie courant de 1878 (les traités de San Stefano et Berlin se veulent protéger les Arméniens du pouvoir ottoman) à 2021 et la carte de géographie historique montrant les itinéraires de déportation.
coup de coeur !Pour tous publics Peu d'illustrations