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1914 une guerre par accident

1914 une guerre par accident
Pygmalion351 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Un lectorat par accident?"

L’ouvrage de Georges Ayache 1914 une guerre par accident se donne un objectif fort louable à savoir décrypter le ballet diplomatique du 28 juin (date de l’attentat de Sarajevo) au 4 août entre Vienne, Berlin, Saint Petersburg, Paris, Bruxelles et Londres qui conduit au déclenchement de la « guerre monstrueuse de 1914 ». Première surprise un livre qui porte sur les relations entre pays, il n’y a aucune consultation des archives diplomatiques. On pourrait penser donc qu’on s’oriente vers un livre grand public avec un souci louable de proposer des notes. Le problème est que manque cruellement un index ou des notices biographiques en fin d’ouvrage. Quand on sait par exemple que le prince Lichnowsky est l’ambassadeur allemand à Londres, que l’ambassadeur français à Saint Petersbourg se nomme Paléologue (il est d’origine grecque) et que l’ambassadeur de l’empire germanique dans cette ville s’appelle Pourtalès (il est d’origine protestante cévenole) on comprend qu’il faut soit lire l’ouvrage d’une traite, soit prendre des notes sur les personnages qui apparaissent. Pour aller rechercher une information sur quelqu’un qui agit dans une des capitales en question c’est théoriquement simple d’après le plan officiellement choisi, à savoir la succession de ce qui se passe dans chaque capitale tel jour, sauf qu’il y a de nombreuses exceptions ; ainsi le récit sur Saint Petersburg au 28 juillet fait 4 pages dont 2 consacrées à diverses choses qui se déroulent ailleurs. D’autre part on peut trouver mention d’un évènement qui s’est déroulé un autre jour que celui donné en tête du texte. On comprend que certaines explications doivent être données ensemble mais sans aide pour se repérer, le lecteur soufre et il risque sérieusement de ne pas aller au bout de ce livre. S’ajoute le problème que certaines informations auraient besoin d’être dites précisément au bon moment et pas de manière vague à l’instant crucial. Ainsi la page 249 rapporte que le 1er août à Paris l’ambassadeur réitère sa question de la veille (sans donner de pistes pour la retrouver), or c’est cette question (qu’il faut aller rechercher à la page 230) qui va déboucher sur la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. Autre surprise, qui laisse à penser que ce livre n’a pas d’avenir auprès des enseignants d’université et étudiants en histoire, est l’accumulation des jugements de valeur sur certains personnages. Cette attitude aura le don de hérisser les premiers et les entraînera à ne pas conseiller sa lecture aux seconds.

Quand en plus certains commentaires trouveraient plutôt leur place dans une feuille à scandales et qu’il y a une sérieuse propension à dénigrer de préférence (et sans la moindre nuance) les hommes de gauche de l’époque, on est de plus en plus perplexe. Ainsi Martin Malvy (député du Lot de 1978 à 1998 et actuel président du Conseil régional de Midi-Pyrénées) appréciera sûrement certaines informations avancées sur son grand-père qui n’apportent strictement rien au récit des évènements (car Louis Malvy ne passe pas ces journées tragiques dans les loges de théâtre). On pourra juger soi-même du paragraphe de la page 286 : « Député du Lot, Malvy n’avait pas une bonne image dans les milieux politiques. On le tenait pour arriviste de la pire espèce. On le soupçonnait d’avoir épousé Louise de Verninac, d’une noblesse provinciale influente, parce que son père était vice-président du Sénat. Les services de renseignements étaient convaincus que Malvy entretenaient une liaison régulière avec une certaine Hélène Berry, comédienne de son état. Bien sûr, il n’était pas le seul homme politique dans ce cas. On se disait pourtant que cela faisait un peu désordre de la part du locataire de la place Beauvau ».Il est vrai que Poincaré, jugé comme un homme d’État par l’auteur, souhaitait bien plus que Clemenceau, la mort politique de Malvy comme l’affirme Annie Deperchin dans “Clemenceau et l’opinion publique : les affaires“ pour Clemenceau et la Grande Guerre. Georges Ayache sait aussi qualifier négativement certains personnages d’opinion très différente en des termes pas du tout diplomatiques qui continuent de surprendre le lecteur ainsi à la page 77 la cour tzariste est-elle traitée de “panier de crabes“ et ce n’est pas pour indiquer qu’on a affaire à de sérieux réactionnaires.

Ce livre présente à notre avis certaines maladresses mais il montre bien quel a été l’enchaînement des faits. Afin d’aider à sa lecture nous allons reprendre cela. L’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie à Sarajevo entraîne l’envoi d’un ultimatum à la Serbie (les services secrets serbes étaient impliqués dans cet attentat), ce dernier est accepté par la Serbie à l’exception d’une clause qui remettait en cause la souveraineté du pays. François-Joseph prend acte de cette réponse qu’il attendait (vu le contenu de l’ultimatum rédigée pour obtenir un rejet) et mobilise pour écraser la Serbie, la Russie mobilise à son tour pour éviter une défaite serbe et l’Allemagne fait de même pour épargner une offensive russe en Autriche-Hongrie, la France mobilise à son tour pour protéger la Russie. L’Angleterre laissant entendre qu’elle restera neutre, l’Allemagne se lance confiante dans un conflit où elle pense pouvoir écraser d’abord la France pour pouvoir se retourner ensuite contre la Russie. Toutefois pour anéantir rapidement la France l’état-major allemand n’a qu’une solution, celle d’envahir la Belgique. Devant cet acte, qu’elle juge inadmissible et dangereux pour sa sécurité, l’Angleterre entre en guerre au côté de la France et de la Russie.

Selon nous, les dirigeants européens de l’époque auraient gagné à méditer sur la maxime d’Ambrose Bierce qui énonce qu’ « en diplomatie, l’ultimatum est la dernière exigence avant les concessions ». L’Allemagne pouvait prévenir l’Autriche que, devant le succès diplomatique qu’elle avait remporté, elle ne pouvait la soutenir dans l’invasion de la Serbie qu’elle envisageait, la France aurait dû avertir la Russie que l’Allemagne était décidée à soutenir une intervention autrichienne (l’ambassadeur de France à Berlin le disait mais Poincaré pensait selon Georges Ayache qu’il s’agissait d’un bluff) et que sa mobilisation ne pouvait qu’entraîner celle de l’Allemagne, l’Angleterre pouvait déclarer que son éventuelle neutralité ne tiendrait qu’en l’absence de passage des armées allemandes par la Belgique. Une fois les mobilisations réalisées en Russie et en Allemagne, les souverains de ces deux pays se voient opposer par leur état-major respectif l’impossibilité de les arrêter en cours de route, au moins autant pour des raisons matérielles que pour des questions d’honneur national. Les souverains de ces deux pays entretenaient des relations personnelles et selon nous ils auraient pu se rencontrer pour offrir une perspective de paix à leur peuple en passant outre l’avis de leur état-major ; une démobilisation concomitante suivie d’une conférence aurait évité que les gouvernements soient placés en situation difficile face à leur opinion publique.

Octave

Note globale :

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