Avis de Octave : "Du kilomètre zéro à la frontière suisse au Boyau de la mort à Dixmude en Belgique"
L’auteure est franc-comtoise et le photographe est lorrain ; ceux-ci habitent en Haute-Saône non loin du Territoire de Belfort qui de 1871 à 1918 s’appelle le Haut-Rhin resté français. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que l’ouvrage commence par évoquer les lieux de mémoire dans le canton suisse du Jura, le Territoire de Belfort et le Sundgau (partie plate méridionale de l’Alsace-Lorraine). Ceci permet d’évoquer le monument du caporal Peugeot premier Français qui décède juste avant la déclaration de guerre par l’Allemagne et la nécropole d’Illfurth qui abrite le corps d’Albert Mayer premier mort allemand tué dans l’accrochage avec l’escouade du caporal Peugeot. L’affrontement a lieu au sud de Belfort à Joncherey non loin de Beaucourt.
Toutefois les auteurs ne s’attachent pas à d’autres monuments liés à une seule personnalité particulière ou un régiment spécifique. Il est vrai que cette tâche aurait donné un ouvrage obligatoirement en plusieurs tomes. Ainsi n’est pas évoqué le personnage suivant lié lui aussi à l’histoire du Territoire de Belfort. Le caporal Pierre Sellier le 7 novembre 1918 à la Pierre d’Haudroy sonne le cessez-le-feu afin que la délégation allemande pénètre dans les lignes françaises. À Beaucourt, où il a quasiment toujours vécu, depuis 1956 une rue porte son nom et en novembre 1988 une stèle en granit a été érigée au carrefour avec la rue de Vandoncourt. La Pierre d’Haudroy est sur la commune de La Capelle située dans l’Aisne pas très loin des limites du département du Nord et de la frontière belge. Notons qu’un troisième site rend hommage au caporal Sellier, la stèle se trouve à Beauwelz (aujourd’hui partie de la nouvelle commune de Momignies) en Belgique près la ville française de Fourmies. Beauwelz a été reconquise le 9 novembre 1918 et une seconde stèle voisine rend hommage aux cadets de Gascogne de la 33e division d’infanterie.
Les autres espaces évoqués en moyenne en une bonne quinzaine de pages sont respectivement : Les montagnes des Vosges, Le plateau lorrain, La vallée de la Meuse, Les monts d’Argonne, La plaine Champagne, Les vallées de l’Aisne et de la Marne, La vallée de la Somme et La plaine de Flandre occidentale. Pour une vision globale de tout ce qui touche la Wallonie voisine de cette province belge citée en dernier, on se reportera à Sur les traces de 14-18 en Wallonie : la mémoire du patrimoine et à La route de la Grande Guerre en Wallonie. Ne sont pas évoquées ici des lieux qui ont subi une très longue occupation comme Lille ou les Ardennes; signalons à ce propos que l'impressionnant monument allemand aux morts de Sedan va être restauré alors que le maire de la cité voulait le faire détruire.
Au kilomètre zéro du front en Alsace tout près de la frontière suisse (cliché absent du livre)
Nécropole allemande de Sedan (cliché absent du livre)
L’illustration occupe plus des trois-quarts de la surface avec des photographies en couleurs toujours très récentes. Une présentation est faite en une page de chacun des dix espaces du point de vue de son relief et de l’importance et des caractéristiques générales des combats qui se sont déroulés là puis un commentaire est proposé autour des photos de chacun des lieux de mémoire proposé. Une double-page permet à chaque fois de faire le point sur les monuments présentés et d’autres espaces culturels comme les musées en donnant le téléphone, le site internet le courriel propres à chacun.
La préface a été confiée à Jean-Noël Grandhomme (Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lorraine à Nancy) qui écrit:
« C’est toute l’originalité du travail de Frédéric Hermann que de décliner les hauts lieux de mémoire de la guerre de 1914-1918 selon un parti pris géographique. Les contraintes naturelles – reliefs des Vosges, du Jura et de l’Argonne ; plaines d’Alsace, de Champagne et de Flandre occidentale ; plateau festonné de Lorraine ; vallées de la Meuse, de l’Aisne et de la Somme ; collines d’Artois – ont en eff et conditionné la vie des combattants. Les traces de leur existence quotidienne sont encore visibles un peu partout le long et à l’arrière des anciennes lignes. Les cimetières y sont légion, eux aussi. L’artiste a su capter la seconde vie du front ; il a su rendre visible, au moyen de la photographie, ce lien indissoluble qui reliait le combattant à la terre de ses aïeuls (...).»
Voici un exemple de commentaire, celui à propos du Monument aux morts de la grippe espagnole à Lajoux dans l'Ajoie en Suisse :
« Au terme de 1561 jours de conflits, il y a eu, sur tous les fronts de la Première Guerre mondiale, 8,5 millions de morts, d’innombrables nationalités. Après la guerre, et née de celle-ci, l’épidémie de grippe espagnole fera encore plus de victimes. À Lajoux, dans le Jura suisse, un monument est dédié aux soldats qui en ont péri, issus des cantonnements de l’Ajoie, renforcés à la suite des combats de la contre-off ensive de 1918. La croix dressée en 1919 rappelle tout le drame de la pandémie.Le nombre des victimes de la grippe espagnole en 1918 et durant l’hiver 1918-1919, juste après la fi n des combats est époustoufl ant : il atteindrait 100 000 000 voire plus dans le monde ! L’état des populations, aff ectées par quatre ans de guerre et la perte de tant d’êtres chers, a permis la progression du virus, à partir de foyers sur le front, parmi les soldats aff aiblis et privés d’espoir.»
Pour sensibiliser à la dimension mondiale du conflit on trouve en particulier un cliché de tombes musulmanes dans la Nécropole nationale de Douaumont à la page 54, deux photographies du cimetière de Noyelles-sur-mer évoquant les travailleurs chinois décédés (pages 122 et 123), une photographie du parc commémoratif de Terre-Neuve (cette île n’est pas encore une partie du Canada durant la Grande Guerre) à la page 127, la mention du Musée sud-africain et du Musée franco-australien (page 132), une photographie des monuments de La Targette rendant hommage aux Polonais et Tchèques combattants côté allié (page 143), une photographie du monument de Fromelles à la mémoire des Australiens (page 147). Cet ouvrage intéressera non seulement ceux qui veulent se rendre sur les lieux mais, vu sa très riche iconographie, les centres de documentation des établissements de l’enseignement secondaire.
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
http://actu.orange.fr/monde/hommage-solennel-du-royaume-uni-pour-le-centenaire-du-carnage-de-passchendaele-CNT000000LzjM8.html