Avis de Adam Craponne : "Ernest Pérochon observateur de la vie des campagnes entre 1914 et 1918"
Ernest Pérochon est instituteur en Deux-Sèvres lorsque la Première Guerre mondiale éclate ; après quelques mois de combat il est versé, pour raisons de santé, dans le service auxiliaire. Retourné dans son département d’origine, lui fils de paysans protestants, va être très attentif à l’évolution des campagnes durant tout le conflit. Il en tire un ouvrage qui prend pour titre Les Gardiennes, expression authentique que l’on retrouve dans la presse de l’époque pour désigner les épouses et mères des poilus qui tenaient des exploitations agricoles avant août 1914.
L’ouvrage sort l’année qui marque le dixième anniversaire du début du conflit et à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale Xavier Beauvois l’adapte au cinéma, à l’instigation de la productrice Sylvie Pialat qui le lui a fait connaître. C’est d’ailleurs la seconde fois qu’un roman d’Ernest Pérochon est porté à l’écran puisque le roman Nêne (prix Goncourt en 1920) a donné lieu en 1923 à un film muet signé Jacques de Baroncelli.
Si l’action du livre est censée se dérouler dans le Marais poitevin, par contre ce dernier ayant subi les ravages d’un tourisme intensif a dû être délaissé pour l’adaptation au cinéma ; les évènements du film sont situés dans le Haut-Poitou à la limite du Limousin. Les extérieurs ont été tournés dans la Vienne, la Haute-Vienne et l’Indre.
On peut dégager trois thèmes principaux dans ce roman, deux sont liés, à savoir les tâches habituelles des hommes à la campagne reprises en main par les femmes (avec des directives envoyées depuis le front, comme le scénario le montre) et, avec les réquisitions des chevaux et ânes, en prolongement les débuts de la mécanisation de l’agriculture française.
Last but not least, le dernier sujet a trait à la question de la fidélité des femmes ; c’est la préoccupation essentielle des combattants et le sujet de toutes les rumeurs au village. Dans le film, le choix a été fait de porter l’essentiel de la responsabilité de ces ragots autour de la présence de soldats américains dans la région. Ceci est tout à fait exact du point de vue historique et dans les journaux de tranchées dessins et poèmes dissertaient sur le malheur de constater que "les amis de nos amies sont les sammies". Dans le roman, les femmes sont nettement moins sélectives et les amants sont divers et variés.
Francine est une jeune fille de l'Assistance publique, comme l’héroïne de Nêne, et les malheurs qui lui arrivent sont permis pour une bonne part du fait du profond ostracisme que les enfants, ayant été placés, subissaient.
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