Avis de Adam Craponne : "Cadet Rousselle a trois maisons, Clemenceau a trois musées"
Sur la question de la Rhénanie après la victoire, il était en particulier utile de dire qu’elle avait été exactement la position de Clemenceau, car sur ce point se sont développées bien des légendes. Il est en est de même au sujet de l’acceptation de l’Armistice en novembre 1918 ; certains auteurs de biographies (tant maladroites que bien à droite) sur Clemenceau ou d’ouvrages généraux sur la Première Guerre mondiale ayant tendance, en reprenant les points de vue de Poincaré et Foch, à en faire un "Perd la victoire" à cette occasion.
L’échec de Clemenceau à l’élection présidentielle est assorti d’une phrase consolatrice de l’auteur qui ne manque pas d’en attribuer à juste raison l’origine à Briand : « Briand fut peut-être sa Némésis, mais aussi le premier de ses bienfaiteurs » (page 253). Némésis est ici plutôt la déesse de la vengeance, Clemenceau faisait bien trop de bons mots comme justement à propos de ce Breton : « Même quand j’aurai un pied dans la tombe, j’aurai l’autre dans le derrière de ce voyou » ou encore « Homme d’action jamais. Hommes d’actions, toujours, et d’actions si peu stables qu’elles se croisent, s’enchevêtrent et se détruisent au hasard des vents de la journée ».
Ce qu’on apprécie dans ce livre, c’est qu’il n’est en aucun cas une hagiographie, Éric Deschodt quoique journaliste, fait preuve d’une rigueur presque universitaire dans ses affirmations. S’il cite des bons mots de Clemenceau, ces derniers ne semblent pas a priori sortis de l’imagination de quelqu’un d’autre que le Tigre. Parfois il y a une légère décontextualisation comme page 24, car l’expression de Clemenceau s’adressait à tous les demi-traites comme il disait. Ici Éric Deschodt parle d’un quidam qui vient plaider auprès de lui une certaine indulgence pour Mata-Hari en lui affirmant que cette dernière n’a trahi qu’à moitié, il aurait déclaré « Six balles suffiront ». Le fait qu’ Éric Deschodt ai déjà écrit plusieurs biographies se sent et pour obtenir cette perspective générale (et éviter certains anachronismes ou adjectifs discutables de détail) nous avons la chance qu’il l’ait fait pour plusieurs personnages qui ont vécu partiellement les mêmes évènements que Georges Clemenceau, à savoir Eiffel, Mirbeau, Gide et même Saint-Exupéry (né en 1900).
"Pour Clemenceau" est composé de courts chapitres, autour de 10 pages, bien centrés. On peut regretter que les origines familiales ne soient pas plus développées, les pages de Christophe Soulard dans "Clemenceau, au fil des jours" sur la généalogie de G. Clemenceau combleront ces lacunes (la famille Clemenceau, après avoir servi les évêques de Luçon puis le roi est anoblie du fait de l’achat de terre noble). Pour la jeunesse, on a fait aussi court ; en effet cinq pages sont consacrées aux vingt-quatre premières années de la vie du personnage. Inutile de dire que l’on n’y apprendra rien sur ses amours ancillaires, les curieux iront voir un article de René Dubois "Pas qu’un Ragot, c’est un Clemenceau", paru le 23 janvier 2014 dans "Le journal du pays yonnais" qui conte quelle fut la descendance de Marie Ragot, journalière dans la famille Clemenceau en 1865 après qu’elle ait donné naissance à un enfant Pierre.
En complément à cet ouvrage d’Éric Deschodt "Pour Clemenceau" on peut lire de Claude Mercier "Clemenceau ... tout simplement", un ouvrage extrêmement remarquable pour son iconographie. Son auteur a d'ailleurs incarné Clemenceau dans la comédie musicale "Clemenceau, la tranchée des baïonnettes" crée en 2005 et régulièrement remis en scène en Vendée.
Au sujet de son action spécifiquement durant la Grande Guerre, on se reportera à "Georges Clemenceau… dans la peau d’un tigre" de Pierre Tré-Hardy chez Triartis qui reprend l’essentiel (tout en y rajoutant des extraits de courriers personnels) du titre "Articles et discours de guerre (1914-1918) Georges Clemenceau" chez Pierre de Taillac ainsi qu’à "Clemenceau au Front (1914-1918)" toujours chez Pierre de Taillac.
Rappelons que Clemenceau a effectivement trois musées, deux en Vendée (à Mouilleron-en-Pareds et Saint-Vincent-sur-Jard) et un à Paris.
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