Avis de Octave : "Des milliers d'hommes allongés sur le Chemin des Dames"
Il s’agit d’un bel ouvrage de recherches à partir d’archives privées et publiques (y compris anglaises et américaines) et de témoignages rédigés dans l’Entre-deux-guerres qui n’oublie pas de s’appuyer pour bien souvent les nuancer sur les études historiques universitaires sur le Général Nivelle, Paul Painlevé (ministre de la Guerre de mars à septembre 1917 puis président du conseil de septembre à novembre 1917) et le général Gouraud. Il s’agit dans un premier temps de se pencher sur les origines familiales de Robert Georges Nivelle dont le grand-père, d’une famille protestante de Pamproux dans le Poitou, fut un sous-officier de Napoléon Ier et le père officier sous Napoléon III. Le riche parcours militaire de Robert Georges Nivelle, avant de devenir général, est retracé ; il passe par la Tunisie, la Chine, l’Algérie d’où il apporte un appui logistique à la conquête du Maroc.
Ce livre situe magistralement les raisons qui amènent Nivelle à son poste de commandant en chef des armées principalement : il est le vainqueur de la bataille de Verdun (Pétain,dont il prend sa succession le 19 avril 1916 dans la responsabilité des combats sur ce lieu, le fera oublier), il parle parfaitement anglais (sa mère est native du Kent), l’urgente nécessité de remplacer Joffre et l’impossibilité de nommer de Castelnau à cette charge. La nécessité d’une offensive faisait consensus au gouvernement Briand sauf pour le ministre de la Guerre Lyautey qui d’ailleurs n’a jamais combattu en métropole. Sa maladresse envers les parlementaires (qu’il méprise) entraînent sa démission et par conséquence celle du gouvernement Briand à la veille du déclenchement de l’offensive. Le nouveau gouvernement Ribot se constitue avec Paul Painlevé pour ministre de la Guerre, or ce dernier est opposé à cette offensive proposée par Nivelle. Ce dernier propose une offensive surprise mais les Allemands attendent cette action et ce sont eux qui créent le coup de théâtre en procédant à un repli stratégique en février sur la ligne dite Hindenburg, les petites régions évacuées ont été volontairement dévastées et aucun moyen de communication n’y persiste (ce qui ne peut que retarder une avance en profondeur).
Devant la montée de diverses objections, le général Nivelle offre sa démission et en conséquence l’arrêt de son plan d’une offensive massive. Le gouvernement la refuse et adopte une position mi-chèvre mi-chou, qui consiste à appuyer le plan s’il réussit mais à prévoir d’arrêter la tentative de rupture du front si les premières attaques ne sont pas un franc succès.
Nivelle sera bien vite lâché après le déclenchement de l’action (dite la bataille du Chemin des Dames) en prenant appui sur des chiffres de pertes erronés où les morts des troupes coloniales sont comptés deux fois et c’est Pétain, qui une fois de plus, profitera des acquis dans une perspective d’attaques ciblées cette fois. La bataille de la Malmaison ainsi n’est une victoire pour le futur maréchal que parce que Nivelle a créé les conditions qui l’ont rendue possible. On laissera le lecteur découvrir le contenu du chapitre intitulé “Autopsie d’un échec“ où l’auteur développe en parallèle plusieurs dimensions. Ce livre n’est pas seulement porteur d’une nouvelle vision du général Nivelle, il nous permet d’approcher les relations entre le gouvernement et l’état-major français pour le début de l’année 1917 et d’affiner notre perception sur certains généraux comme Pétain et Lyautey pour les plus connus.
Il est à noter en prolongement du contenu de cet ouvrage que Paul Painlevé, qui s’était si violemment opposé aux projets du général Nivelle, devient ponctuellement ministre du Conseil ; face à la situation intérieure et militaire qu’il ne maîtrise pas, le président Poincaré décide d’appeler Georges Clémenceau aux mêmes responsabilités gouvernementales. Ce dernier (en tant que président de la commission de l’Armée du Sénat) est d’ailleurs le premier jour de l’offensive Nivelle à l’observatoire du moulin de Roucy près du front (à la limite de l’Aisne et de la Marne), en compagnie des parlementaires Renaudel, Fabre et Loucheur et on lui doit un article très optimiste au tout début de l’offensive dans son journal L’Homme enchaîné.
Pour connaisseurs
http://www.lanouvellerepublique.fr/Vienne/Communes/Poitiers/n/Contenus/Articles/2017/04/14/Un-Civraisien-au-coeur-de-la-bataille-du-16-avril-1917-3067624
http://www.europe1.fr/societe/petain-vainqueur-de-verdun-les-historiens-sont-beaucoup-plus-divises-la-dessus-3797435