Avis de Octave : "Les boches pire que les apaches parisiens ?"
L’auteur annonce cet ouvrage comme le premier d’une série de quatre consacrée aux femmes durant la Première Guerre mondiale et d’après les titres annoncés on sera au moins pour trois (et éventuellement pour quatre) en milieu urbain. Rappelons qu’en matière de description des campagnes durant la Grande Guerre, l’éditeur Marivole a déjà republié "Les Gardiennes" dont nous avons dit le grand intérêt historique.
En fiction on peut se permettre beaucoup de choses et donc on peut prêter une grande imagination aux malfaiteurs ici une bande d’apaches parisiens, par ailleurs alors qu’en cette année 1916 Clemenceau dénonce vigoureusement les embusqués, on peut imaginer que les membres des brigades du Tigre (crées en 1907 alors qu’il était ministre de l’Intérieur) favorisent l’immigration au Canada d’un soldat porté déserteur (mais réellement "à l’insu de son plein gré"). Ceci dit en mai 1917 la conscription est votée au Canada… Elle ne sera pas parfaitement appliquée, surtout au Québec, face aux manifestations d’hostilité.
L’action démarre donc en 1916, mais sans précision de mois, à Compiègne ville alors située à environ 10 km du front où ajouterons-nous Clemenceau est vraisemblablement passé en mai de l’année en question et de façon sûre fin février puis fin mars 1918. La marraine est une jeune boulangère à Compiègne et on sait l’importance de la consommation de pain à l’époque, environ 900 g par jour pour chaque Français. Son filleul est un jeune instituteur, originaire de Châteaudun, sorti de l’École normale de Chartres en juillet 1914 et qui n’aurait jamais enseigné. Pour bien connaître la question c’est assez incertain, mais pas impossible, avec une réussite tardive au concours d’école normale en 1911 et un appel sous les drapeaux en septembre 1914. Rappelons que la rentrée scolaire se faisait alors le 1er octobre.
La marraine, qui a presque 20 ans en 1916, est donc moins âgée que son filleul qui en a 22 et là on tombe tout-à-fait juste ; d’ailleurs les dessinateurs humoristiques s’amusaient à dessiner des fillettes de moins de dix ans recevant leur filleul en permission. L’intrigue est menée d’une main de maître, distillant ce qu’il faut pour comprendre ce que savent les deux héros de la situation et réservant jusqu’à la fin une part de mystère. Une fois que Léocapie Lepic a rejoint Paris, on fréquente deux milieux à savoir celui des apaches (prostituées comprises) et celui de l’automobile (garages et constructeur Panhard et Levassor rue d’Ivry dans le XIIIe arrondissement).
(Ce document n’est pas dans le livre)
Il y a dans ce roman très peu de lignes autour de la vie au front et c’est à travers un courrier forcément édulcoré de notre normalien à sa marraine. Du point de vue historique, tout en attaquant à Verdun (en février) les Allemands laissent croire qu’ils vont lancer une offensive sur Belfort le 21 février 1916 et on trouve une allusion à ce fait. Est adaptée par ailleurs l’histoire du Franc-comtois Lucien Bersot qui refusa de porter un pantalon maculé de sang et fut fusillé pour refus d’obéissance. Page 124 on est surpris de lire "avait préconisé de s’installer au-delà du périphérique", faut-il voir là l’idée de "téléphérique" pour le funiculaire de Montmartre.
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