Avis de Octave : "L’homme qui porta son pays à l’un des plus brillants fiascos de l’Histoire"
Guillaume II de Charles Zorgbibe est une biographie qui permet d’approcher le caractère du dernier kaiser et de relier de façon très éclairante sa personnalité à ses initiatives en matière de politique étrangère. Charles Zorbige, qui collabore aujourd’hui à Radio Courtoisie, est un historien des relations internationales et il nous offre une vision renouvelée de l’homme et de ses initiatives. Le rôle de boute-en-guerre qu’a pu jouer Guillaume II dans le conflit japonais de 1904-1905, son attitude dans le conflit et les retombées positives pour l’Allemagne qu’il en attendait sont un des points les plus intéressants de l’ouvrage, ils peuvent expliquer une partie du ressentiment de Nicolas II envers le kaiser. L’ouvrage est divisé en cinq parties : un Hohenzollern à demi anglais, notre nouveau kaiser, la course à la domination mondiale, la crainte de l’encerclement, l’épreuve de force. Charles Zorbige montre que les célébrations du centenaire de la guerre de libération de la domination des armées de Napoléon Ier marquent un tournant du point de vue des options de Guillaume II.
Plutôt pacifiste avant 1913, l’on sait son rôle pour dénouer les affaires concernant le Maroc, Guillaume II évolue sous l’influence de sentiments romantiques et de l’idée de l’encerclement de son pays. Hors de l’Europe, les actions coloniales du Reich ont été intenses dès l’arrivée au trône de Guillaume II en 1888 ; il achète quelques lambeaux de terres plus ou moins sous souveraineté espagnole comme les îles Carolines et par ailleurs s’empare d’une partie de la Nouvelle-Guinée. L’auteur montre combien l’Allemagne a un rôle précurseur en Chine pour élaborer le système du territoire à bail pour 99 ans. La convention germano-chinoise du 5 janvier 1898 sert de modèle à celle signée en juin de la même année pour Hong-Kong par les Britanniques pour une partie continentale de leur concession (l’île avait été cédée en 1842) et également à celle du 16 novembre 1899 qui donne le territoire de Kouang-Tchéou-Wan à la France (voir pour l’histoire de ce dernier Fort Bayard : Quand la France vendait son opium de Bertrand Matot). En Afrique noire, l’Allemagne se montre particulièrement active dans son désir de réaliser un nouveau partage du gâteau colonial et ceci a été souvent avancé comme une raison du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Guillaume II est convaincu d’agir dans ces entreprises extra-européennes pour la plus grande gloire du christianisme, ainsi après que les îles d’Upolu et Savaï de l’archipel des Samoa soient devenues possessions allemandes, le kaiser félicite le chancelier en ces termes : « Vous êtes le parfait magicien que le ciel, dans sa bonté, m’a donné à moi, indigne » (page 109). Le frère de Guillaume II déclarait de son côté que le pays « a le désir d’annoncer l’évangile de la personne sacrée de Sa Majesté, en le prêchant à tous ceux qui voudront l’entendre et même à ceux qui ne le voudront pas » (page 107).
La vingtaine d’années où notre personnage cesse d’être kaiser est évoquée, une place importante est réservée au peu de sympathie qu’il avait pour les nazis. Dans la mesure où Guillaume II est un des acteurs-clés du déclenchement de la Première Guerre mondiale, la lecture de ce livre s’avère très intéressante.