Avis de Max Conterdo : "" Comment une nation en paix se forge dans un monde en guerre ""
Cet ouvrage s'inscrit dans le cadre d'un projet financé par le Fonds national suisse à travers plusieurs universités de la Confédération, examinant la Suisse pendant la Première Guerre Mondiale sous une perspective transnationale.
Il s'agit d'un travail de thèse exhaustif et ambitieux, car le manque historiographique dans le domaine humanitaire sur cette période pourtant cruciale se fait toujours sentir, la recherche et la consultation des sources s'avérant difficiles.
Ici, neutralité et humanitaire vont être étudiés à travers le prisme des actions du CICR, et comment elles s' articulent et influencent celles de la Confédération Helvétique, jusqu'à devenir des « boussoles morales » consubstantielles à cette dernière.
Organisé en trois parties, l'ouvrage se penche d'abord sur les défis et les mutations auxquels dû faire face le CICR lors du conflit, avant de se pencher sur la politique intérieure suisse, pour conclure sur sa politique étrangère, avec des éléments comparatifs, en ayant toujours en ligne de mire la relation entre neutralité et humanitaire, pierres angulaires de l'identité suisse.
On appréciera ainsi, à force de nombreux exemples, comment l'auteur démontre que cette culture de la neutralité a peu à peu imprégné les différentes institutions, jusqu' à faire partie de l'imaginaire de la construction même de l’identité helvétique dans le roman national.
Certes, certains chapitres peuvent s’apparenter parfois à un long passage en revue, mais ce travail est nécessaire et, sommes toutes, bienvenu, afin de saisir les spécificités d'un pays que les étrangers, même proches, abordent quelques fois avec des idées préconçues.
Si le pays fut épargné par la guerre, il dû néanmoins faire face à une dure crise, économique, mais aussi morale, à des tensions internes interrogeant et mettant à mal son art du consensus.
L'ouvrage met en relation ce contexte difficile avec la façon dont certains hommes politiques, notamment Gustave Ador, et des institutions, à l'instar du CICR, ont oeuvrés afin que l'humanitaire serve également ces desseins intérieurs, afin de « cimenter » la population autour de ces valeurs.
Ces questions conservent toujours une certaine actualité en Suisse et s'inscrivent dans la longue durée.
La neutralité était déjà une notion importante avant 1914, et la 1ère Guerre Mondiale a eu pour effet de renforcer ce sentiment et d'ancrer durablement l'aide humanitaire dans la politique étrangère du pays.
L'ouvrage en dresse une synthèse approfondie qui sera appréciée par les chercheurs...et les lecteurs un tant soit peu avertis.
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