Avis de Octave : "Un témoin de la visite de Poincaré à Noyon"
"Journal d’un mobilisé 1914-1918" est le livre d’un témoin Auguste Allemane né en 1870 à Bordeaux où de 1893 à 1936 il est dans l’administration municipale, ayant les responsabilités en particulier de chef de cabinet ou de secrétaire général du maire. Il est sur le front au sein de régiments de territoriaux, ce qui nous rappelle que des hommes d’une quarantaine d’années participèrent régulièrement aux combats. En passant de la Marne aux Flandres, à la Somme, l'Oise et au Chemin des Dames (dans l'Aisne), les Ardennes, il débute le conflit comme lieutenant pour le terminer comme commandant. Entre temps il aura servi au 140e RIT, 73e RIT, 74e RIT, 26e bataillon de mitrailleuses de la IVe armée en faisant d’ailleurs des allers-retours dans quelques unités. Il aura vu son fils aîné mourir, peu avant la signature de l’Armistice, des suites de ses blessures. Son journal débute le 18 août 1914 et court jusqu'au 19 décembre 1918.
C’est avec retenue qu’il évoque les souffrances de soldats alors qu’il peut se laisser emporter visiblement à juste titre sur ceux de la zone des armées qui profite de leur argent par le commerce (en particulier de vin) ou de celui que le gouvernement donne pour les loger dans une grange en triste état (page 167). Le récit permet de pointer comment régulièrement croît sa haine de l’ennemi.
À côté des informations sur le quotidien, on relèvera des renseignements précis fort intéressants. Ainsi le 24 mars 1917 est-il présent lorsque le président Poincaré vient décorer le maire de Noyon ville symbole de l'avancée dangereuse des Allemands aux yeux de Clemenceau (page 186) et le 4 décembre 1918 il entend rapporter que, dans le village ardennais voisin de celui où il stationne, le maréchal Pétain a dit que la guerre n’est pas finie et que nombre de poilus n’ont pas confiance dans le fait qu’ils démobilisent (page 290).
Auguste Allemane évoque deux suicides successifs de soldats au tout début de l’année 1918 (page 234) et il rappelle que les Italiens furent parmi les prisonniers les plus maltraités par les Allemands (page 288). La chose lui étant évidente, il ne dit pas que c’est parce qu’en 1914 l’Italie est dans une alliance avec le Reich et l’Autriche-Hongrie et qu’après s’être déclarée neutre (faute d’avoir été consultée au départ comme on l’a vu avec l’ouvrage de Luciano Canfora), elle est passée dans l’autre camp (celui des Anglais, Français et Russes). Il donne page 195 le texte d’un credo d’humour noir qui circule chez les soldats allemands (on l’a trouvé sur un prisonnier) qui est bâti sur le fait que la betterave est le quasiment seul aliment qui circule sous diverses formes (dont la confiture) dans le Reich.
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