Avis de Adam Craponne : "Question révolutions, après la numéro deux, la trois n’aura pas lieu. Hellas ! Hellas !"
Alexandre Sumpf nous avait permis, grâce à La Grande Guerre oubliée, il y a trois ans de connaître la situation du front russe entre août 1914 et début mars 1918. Cette dernière date étant celle où se signe le Traité de Brest-Litovsk, cet acte suit une période d’armistice de la mi-décembre 1917 à la mi-février 1918. La Grande Guerre oubliée était un ouvrage qui cherchait bien plus à expliquer qu’à jouer l’érudition.
Dans 1917 la Russie et les Russes en révolution, Alexandre Sumpf délaisse (lorsqu’il le peut) ceux dont les historiens nous ont tant parlé, à savoir Nicolas II, Kornilov, Kerenski et la Bande des quatre de la Révolution d’octobre (Lénine, Trotski, Staline et Boukharine), pour s’intéresser aux membres des diverses composantes du peuple russe du point de vue de leur profession, de leur religion, de leur ethnie ou de leur opinion. Ce qui veut évidemment dire sortir de Petrograd et Moscou.
On démarre avec une introduction d’une dizaine de pages et un prologue d’une cinquantaine de pages. L’auteur dit qu’il a longuement étudié les images documentaires sur pellicule de l’année 1917 : « Les images cadrées et montées parlent autant des évènements qu’un tract, un discours de Kerenski, un article calomnieux (…) » (page 17). Alexandre Sumpf s’est d’ailleurs occupé de la sélection des films qui seront projetés dans le cadre de l’exposition ”Et 1917 devient Révolution…“ qui se tiendra au Musée de la BDIC (Hôtel des Invalides) du 18 octobre 2017 au 18 février 2018.
Film américain de 1917 The fall of the Romanoffs
Il poursuit, dans son livre, en avançant que la question essentielle est de savoir si la Révolution d’octobre relève d’un coup d’État ou d’une insurrection populaire. Alexandre Sumpf pense que Lénine et les bolcheviks ont su synthétiser les principales préoccupations populaires. Selon lui « la faiblesse des institutions et de l’idéologie tsaristes a empêché l’empereur de saisir le lien entre développement économique et liberté civiles. La guerre a précipité l’effondrement en mettant à l’épreuve un empire incapable de faire face sur le plan industriel, agricole et militaire » (page 20). En fait l’auteur propose une histoire sociale et culturelle qui prend en compte l’influence des idéologies.
C’est un ouvrage composé de trois parties qui nous est ensuite là offert. La première s’intitule Petrograd, creuset de la Révolution ; on y parle de la désintégration de la monarchie, du bouillonnement dans la capitale, la restructuration des forces politiques et sociales avec les chefs émergeant dans chaque secteur (par exemple Viktor Tchernov du Parti socialiste-révolutionnaire, parti favorable aux paysans, est un des rares leaders assez largement connu du peuple russe).
La deuxième partie a pour nom Les révolutions du peuple russe et on se réjouit qu’elle ouvre sur une carte mettant en évidence à l’arrière du front en octobre 1917 : les foyers de résistance les plus puissants de deux types au putsch de Kornilov, les villes qui connaissent des grèves dans l’industrie, les zones où il y a un soulèvement paysan (celui-ci peut provenir de peuples non-russes comme les Kirghizes) et enfin les territoires agités par des mouvements d’indépendance nationale à savoir la Bouriatie en Sibérie, les kazakhs de la région au nord du lac Balkhach (qui prend deux "h" et pas un seul), le Caucase, l’Ukraine et la Finlande (rien pour les Pays baltes qui sont ou vont passer sous contrôle allemand). Il s’agit de voir comment se déroulent les processus électoraux, l’action des ouvriers, paysans, des femmes et des soldats.
Enfin la dernière partie traite des dynamiques provinciales qui voient rivaliser divers mouvements sociaux, politiques, peuples, religions et anticléricaux ceci dans la joie (fête) ou la violence. On entre progressivement dans la Guerre civile où certes les bolcheviks sont contre tous les autres mais ils reçoivent l’appui de certains qui ne sont pas communistes (ou ne le deviennent qu’à partir de 1918) comme le fameux général Alexeï Broussilov ou Mikhaïl Bontch-Brouévitch. Pour des raisons différentes Staline et Trotski sont mêlés à l’épopée de la Légion tchèque commandée par un astronome français originaire de Slovaquie (fils de pasteur) à savoir Milan Rastislav Stefanik. L’ouvrage se termine par la mise au pays de tout le pays ; la répression des marins de Kronstadt, d’après l’auteur supervisée par Trotski et dirigée effectivement par le général Toukhatchevski, en est le désastreux symbole. La troisième révolution émanant du peuple n’aura pas lieu.
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