Avis de Zaynab : "Un sourire non carnassier"
Cet ouvrage a reçu le prix du roman historique jeunesse de Blois ; il est paru pour la première fois en 2012. La guerre soviéto-polonaise, ou guerre russo-polonaise, a eu lieu de février 1919 à mars 1921. Le récit de ce livre démarre pour l’automne 1920 à Drebica près de Zern et Bratz (noms semblant fictifs), village présenté à une frontière polono-russe.
Cette dernière n’existait pas en fait car on était en plein conflit d’une part entre une république socialiste soviétique d'Ukraine (proclamée le 10 mars 1919) soutenue par les bolchéviks russes et par ailleurs le jeune état polonais. Je pense qu’il aurait mieux fallu parler de front que de frontière pour cette situation; dans un roman effectivement historique (car basée sur des souvenirs familiaux) on se doit de distinguer l'idée de front du concept de frontière.
Commencées fin septembre 1920, les négociations de l’armistice aboutissent le 12 octobre ; toutefois la paix de Riga n’est signée que le 18 mars 1921. Ce village, coupé en deux par les armées des deux camps durant l’automne 1920 et l’hiver 1920-1921 selon l’auteur (ou au début voire milieu 1920 d’après nous), devenu entièrement polonais d'après le traité de paix, pourrait en fait être aujourd’hui en Biélorussie ou en Lituanie. La ligne d’armistice passait notamment par Minsk et au sud aux environs de Ternopil ; elle était plus floue au nord. On pourrait être non loin des limites de l’éphémère République de Lituanie centrale avec Vilnius pour capitale.
Toutes ces régions comptaient un nombre très important de juifs non seulement dans les villes mais aussi dans les communes rurales jusqu’au début des années 1940. La partie documentaire est dense ; elle traite de l’histoire de la Pologne, de la guerre russo-polonaise (avec un contenu fort discutable), des juifs et de la culture yiddish, des personnages qui ont inspirés ce récit (parents de l’auteure).
On sélectionnera cette citation significative :
« -Qu'est-ce qu'ils demandent quand ils choisissent leurs nouvelles recrues, déjà ? j'ai fait, le ton aussi peu tremblant que possible.
-Un cœur en bon état...
-Des dents en bon état...
-Deux jambes et deux bras...
-Pas de pieds plats...
J'avais tout ce qu'il fallait pour porter un fusil. J'ai craqué. J'ai crié :
-Je veux pas faire la guerre !
Sur le moment, ils n'ont pas compris. Ils ont cru que je crevais de trouille. Mais ce n'était pas ça. J'avais surtout peur de devoir tirer un jour sur ceux que j'aimais ».
Le narrateur Icek a deux amis Lev et Moshe, tous craignent de se voir enrôler dans l’une ou l’autre armée. La famille d’Icek est sans famille du père qui combat dans l’armée polonaise (page 8). Ces trois jeunes échapperont-ils à la conscription ? Peut-être grâce à leur jeune âge ou une mutilation… Rappelons à ce propos que certains soldats voulant échapper au service militaire sous l’Empire, qui était quasiment à vie, en se fracassaient les incisives et ainsi pouvaient plus mordre la cartouche. Un geste absolument nécessaire pour introduire cette dernière dans le fusil.
Accessible jeunesse Peu d'illustrations
https://courrierdeuropecentrale.fr/pologne-1920-les-espoirs-de-propager-la-revolution-vers-leurope-centrale-etaient-grands/