Avis de Patricia : "Qui, après tout, parle aujourd'hui de l'extermination des Arméniens ? (Hitler à ses généraux)"
Raymond Kévorian est un universitaire qui a commis une petite trentaine de livres, essentiellement autour du destin d’Arméniens au XXe siècle. Il est tenant de la thèse que le massacre des Arméniens durant la Première Guerre mondiale relève d'un génocide, même si ce mot a été inventé en 1943 par Raphael Lemkin, juriste juif américain né en Russie en 1900 et devenu polonais en 1920.
Dans son introduction, il écrit : « si la lutte nationale (Mili Mücadele) porté par Mustafa Kemal et les unionistes avait pour vocation de mener le combat contre le démantèlement programmé de l’Empire ottoman, visant également à la poursuite de la construction d’un État-nation turc, n’avait-elle pas, aussi et surtout, la volonté de parachever la politique d’homogénéisation ethnique de l’Asie Mineure entreprise par les chefs du CUP dès le printemps 1914 » (page 7).
Cet ouvrage est destiné à montrer la continuité qui existe, en matière d’éradication des minorités, entre les Jeunes-Turcs nationalistes du Comité Union et Progrès (sous le sultanat) et les kémalistes arrivés progressivement au pouvoir à partir de 1921. Toutefois la République n’est proclamée qu’en 1923 et Raymond Kévorian ne manque pas de souligner que son ouvrage sort au moment des commémorations du centenaire de la Turquie moderne.
En une bonne douzaine de chapitres, Raymond Kévorian dresse un tableau très complet du devenir de membres de la communauté arménienne ou grecque vivant dans l’ancien espace de l’empire ottoman et le Caucase dans les années de la Première Guerre mondiale et celles qui suivirent. Sont largement développés l’évaluation des victimes, le sort d’enfants ou femmes retenus dans des lieux divers (par exemple orphelinat ou maison de leur mari musulman qu’elles ont été contraintes d’épouser), la poussée de l’armée turque dans le Caucase en 1917 et 1918 (ce qui d’ailleurs dégarni des troupes ottomanes de la Palestine et facilite la percée des Arabes et Anglais dans cette région), le jeu complexe et mouvant des puissances anglaise et française face aux dirigeants d’un empire ottoman moribond, les conditions de l’exode des Arméniens d’une Cilicie abandonnée par les troupes françaises, les contenus de divers traités de paix, les tentatives de juger les instigateurs des massacres d’Arméniens, les diverses actions du Patriarcat arménien de Constantinople.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
