Avis de Ernest : "L’Albanie des années 1930 vue par une Française"
L'Albanie a été le premier pays d'origine des demandeurs d'asile en France en 2017. Cet état se vide de sa population ; entre 1990 et aujourd’hui il a perdu un peu plus d’un septième de celle-ci, sans que l’on puisse imputer cela à une baisse du taux de la natalité. Indépendante en 1912, dans un territoire laissant de côté un tiers des régions à majorité albanophone, avec l’appui de l’Autriche-Hongrie et de l’Italie qui s’entendent pour ne pas donner de fenêtre maritime à la Serbie.
L’Italie permit également en 1921 à l’Albanie de se voir définitivement attribuer l’Épire du nord, à la population pour moitié hellénophone alors. Par ailleurs les Monténégriens et les Serbes sont obligés de rendre en 1913 Scutari (Shkodër ou Shkodra en albanais), si bien que le nord du pays compte des Slaves. On a aussi des Aroumains dans une région au sud de la capitale. Du point de vue religieux à l’époque un peu plus de la moitié de la population est musulmane mais les orthodoxes sont majoritaires dans le sud et les catholiques dans le nord.
Il est bon d’évoquer la géographie d’un pays où plus de la moitié des terres sont au-delà de 1 000 m, avec comme point culminant une partie du mont Korab II à 2 753 m, l’autre partie de ce massif étant macédonien et culminant à 2 764 m. Le pays compte plus de 400 km de côte et pas mal de lacs de montagne. La largeur du pays est généralement de trente à quarante kilomètres et sa superficie de 28 148 km2.
Avec son mari, qui prend les nombreuses photographies, l’auteure fait un premier séjour de huit jours en janvier 1931 puis voyage dans tout le pays entre août 1938 et janvier 1939. Ils font une collecte d’objets ethnographiques et en particulier de costumes traditionnels féminins pour le Musée de l’homme. Moins de trois mois après leur départ, nos voyageurs apprennent que l’Italie envahit l’Albanie, le roi d’Italie devient également roi d’Albanie.
On apprend beaucoup sur les diverses populations du pays et dans des dimensions diverses. Sont expliqués ainsi le mode fabrication du qelesh (sorte de fez), certaines coutumes des bektachis (appartenant à une branche du soufisme), la nourriture, le kanun (coutume de vendetta) alors justifié par un évêque catholique d’Orosh …
On retiendra en particulier que « les Albanais, musulmans ou chrétiens de nom, ont conservé dans le fond de leur âme, toutes les vieilles croyances relatives à la lune et au soleil et les seuls rites qu’ils pratiquent avec sincérité, sont ceux qui s’y rattachent » (page164) et que « une difficulté pour distinguer les musulmanes des autres, est que la loi leur interdit maintenant de se voiler ».
Si une carte routière de l’Albanie est fournie sur une pleine page, elle est quasiment illisible et on aurait gagné à une carte présentant le circuit parcouru par nos voyageurs. Par ailleurs les noms des peuples sont sans majuscules et quelques notes n’auraient pas été de luxe, par exemple pour expliciter les réflexions sur la présence d’Autrichiens dans le pays durant la Première Guerre mondiale. L’Albanie se trouvant dans la particularité de n’être officiellement dans aucun camp mais occupée, avec l’aide de milices locales dont celle du futur roi Zog, pour les trois-quarts par les Austro-hongrois et pour le reste par les Grecs, Français et Italiens.
Jacqueline Meyer est née à Paris en décembre 1903, elle a épousé successivement René Bezech né en 1883 à Ivry et Gabriel Monod-Herzen petit-fils de l'historien Gabriel Monod et le fils d’Edouard Monod Herzen.
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