Avis de Adam Craponne : "Célestin chez les soviets?"
La Fédération nationale des syndicats d’instituteurs et institutrices (FNSI) n’a jamais été dissoute avant la guerre et de plus, par sa secrétaire générale Hélène Brion (et plusieurs autres), elle trouve sa place dans toutes les études sur le pacifisme durant la Première Guerre mondiale. D'autre part, en se transformant en FMEL, elle n’a pas besoin d’adhérer à la CGT puisqu’elle en est membre depuis 1907 ; ses membres ne sont pas majoritairement anarcho-syndicalistes mais socialistes avant 1914 comme Héléne Brion par ailleurs militante féministe comme beaucoup de ses collègues de ce syndicat.
Par contre le Syndicat des instituteurs qui se crée fin 1920 demande à adhérer à la CGT, mais ne pourra le faire qu’une fois la FMEL en devenant, la Fédération Unitaire de l'Enseignement, n’ait adhéré à la CGTU largement influencée par les idées communistes. Ce n’est pas la CGT qui éclate au Congrès de Tours en 1920 mais la SFIO, la CGT va progressivement vers sa division après le congrès de Lille de juillet 1921. Toutes les erreurs, contenues dans un seul paragraphe page 13, pouvaient être évitées en consultant intelligemment wikipédia !
Après ce recadrage utile, on peut encore s’étonner grandement que Freinet soit traité, page 29, comme étant de mauvaise foi en 1926 lorsqu’il défend l’école soviétique telle qu’elle lui a été montrée. Je n’ai pas d’autre part vérifié toutes les nombreuses biographies données en notes (ce qui est un mérite du livre) ; elles sont assez courtes ce qui heureusement évite potentiellement le risque d’erreurs. En effet je me pose des questions quand je vois que Maurice Wullens, né dans une famille paysanne de la Flandre française, est donné d’abord ouvrier, ce qu’il n’a jamais été puisqu’il rentre en 1910 à l’École normale d’instituteurs de Douai à l’âge de seize ans. Il y a d’ailleurs pour professeur l’écrivain ardennais Jules Leroux auteur entre autre de Léon Chatry, instituteur.
C’est justement, avec en particulier Maurice Wullens, que Célestin Freinet, comme plusieurs de dizaines d’instituteurs membres de la Fédération Unitaire de l'Enseignement fait un voyage dans la jeune URSS (créée le 30 décembre 1922) du 29 août à la fin septembre 1925 (la rentrée scolaire se fait alors le premier octobre). Certains comme Wullens poursuivent vers la Caucase pendant que Célestin Freinet est à Moscou. Les auteurs citent de nombreuses pages, en les commentant, que ce dernier écrit, au sujet de l'URSS, dans L’École émancipée (devenue d’organe de la Fédération Unitaire de l'Enseignement). Il apprécie en particulier que l’école soviétique se donne comme objectif de former des athées (page 37).
Les auteurs renvoient parfois certaines pratiques observées par Célestin Freinet à des ersatz pédagogiques (le terme est de nous) recommandés par les textes officiels en France ; c’est le cas page 35 avec les Enseignements interdisciplinaire généralisés (EPI) contenus dans la réforme de 2016 pour les collèges. D’après Freinet les idées du plan Dalton (théorisées par Helen Parkhurst aux USA dans le cadre d’une classe d’enfants d’âge différent) et de Dewey pour les étrangers ainsi que de Tolstoï pour les Russes inspirent l’enseignement primaire des soviétiques. S’il apprécie la place réduite des examens (il est plus catégorique, en pensant qu’ils n’existent plus), il regrette que la scolarisation ne commence alors qu’à huit ans.
On peut se féliciter les auteurs de ne pas s’être trompé en nous offrant leur propre traduction d’un texte fictionnel intitulé Les Infracteurs de la loi écrit par Lydia Seïfoullina et traduit par Valentine Dronine au milieu des années 1920. Son auteure a été aussi actrice journaliste, institutrice et bibliothécaire. Lors d'une des réunions de l'Union des écrivains en 1930, elle a sévèrement critiqué l’écrivain Alexandre Grine qui, à la Belle Époque comme elle, avait adhéré au Parti socialiste révolutionnaire, plus particulièrement porteur des revendications paysannes. En 1919-1920, elle a vécu avec son mari Valentin Pravdukhin à Tcheliabinsk, ce dernier étant en charge de l'éducation politique de l’oblast dont cette ville est la préfecture. Cette ville est un peu au-delà de l’Oural et proche des actuelles frontières du Kazakhstan. C’est à cette occasion qu’elle a pu séjourner un été dans la colonie agricole pour orphelins, située au bord du lac Tourgoïac ; elle s’est inspirée de ce qu’elle a vu là pour écrire Les Infracteurs de la loi. Le récit « relate le quotidien d’enfants délinquants pour la plupart orphelins, dans une colonie dirigée par un enseignant charismatique et retors qui tente de rééduquer ses colons tout en bataillant contre les prescriptions d’une administration verbeuse, tatillonne et éloignée de la réalité de terrain » (page 57).
On pourra comparer certains passages de la nouvelle traduction, avec celle assez fantaisiste de 1927, parue dans L’École émancipée en allant aux pages internet suivantes :
http://www.amisdefreinet.org/archives/ecoleemancipee/19280101.html
http://www.amisdefreinet.org/archives/ecoleemancipee/19271023.html
https://www.amisdefreinet.org/archives/ecoleemancipee/19271120.html
https://www.archives.asso-amis-de-freinet.org/archives/ecoleemancipee/19271030.html
Anton Semionovitch Makarenko (illustration absente de l'ouvrage)
Par ailleurs, on trouve (page 56) par rapport à ce récit une allusion à Anton Semionovitch Makarenko, vu que le texte présenté est en très forte accointance avec le travail que ce dernier fit dans la colonie Gorki et qu’il rapporta dans l’ouvrage Le poème pédagogique. Makarenko a pris en 1920, la direction, dans la province de Kharkov en Ukraine, de cet établissement à destination d'adolescents passés par la délinquance.
Il est dommage que cet ouvrage démarre en donnant l’impression (globalement peu justifiée) qu’il a été écrit sans toujours tenir compte des exigences qui s’imposent envers tout livre qui traite de l’Histoire et que son titre n’est pas tout-à-fait adapté à son contenu. L’idée générale est plutôt ici comment Freinet évoque et fait évoquer l’éducation en URSS dans L’École émancipée, la revue pédagogique de son syndicat adhérent à la CGTU.
Faire paraître cet ouvrage alors que l’on commémore le centenaire de la Révolution d’octobre (on y découvre en particulier dans quelle misère morale et physique a pu vivre une part de la jeunesse dans les années 1918 à 1923) et que Célestin Freinet est décédé il y a guère plus de cinquante ans, est une excellente idée. Carole Hardouin-Thouard est conseillère pédagogique de sport en Eure-et-Loir et Alexeï Ovtcharenko a cinquante-huit ans et est professeur à L’Université de l’Amitié entre les Peuples à Moscou ouverte en septembre 1960. Cette dernière est appelée ainsi car elle a vocation d’accueillir un bon contingent d’étudiants étrangers.
Pour connaisseurs Aucune illustration
Le manifeste soutient que défendre le titre de Freire revient à défendre la production intellectuelle, la bonne pratique pédagogique et le Brésil lui-même.
Le manifeste demande que le Brésil trouve un minimum de points de convergence sur l'héritage de Freire dans l'éducation brésilienne. "Respecter Paulo Freire, c'est sauvegarder l'histoire de ces personnes indispensables qui consacrent jour après jour leur vie à la lutte pour un monde libre, fraternel, égalitaire, juste, prospère et durable".
Daniel Cara, l'un des promoteurs du manifeste, reconnaît Paulo Freire comme l'un des dix principaux théoriciens de l'histoire de l'éducation, auteur d'une pédagogie vivante, politique et démocratique. Pour lui, les attaques adressées à l'éducateur sont faites par ceux qui défendent le statu quo et s'opposent à l'émancipation de la pensée critique.
Lien vers la pétition en trois langues :
https://www.peticao24.com/paulo_freire_patrono_da_educacao_brasileir
https://www.humanite.fr/francois-rochex-jetais-au-congres-de-tours-661357