Avis de Adam Craponne : "Histoire de Tunes dans un univers pas très fortuné"
La population juive de Tunisie, est estimée à plus de 70 000 individus en 1946. "Les Juifs de Tunisie : histoire d’une émancipation" montre qu’avant la colonisation de la Tunisie les juifs de ce pays ont le statut de dhimmi, ce qui se traduit en particulier par des impôts supplémentaires et une certaine incapacité juridique. Le titre choisit d’évoquer la date 1857 parce que c’est l’année où le cocher juif Batou Sfez répond à des injures sur la religion juive par des injures autour de l’islam. Le lendemain le tribunal religieux le condamne à mort et malgré l’intervention du consul de France le droit de grâce est refusé par le bey.
La Tunisie est alors officiellement partie intégrante de l’empire ottoman (de 1574 à 1881) même si ses beys sont quasiment souverains héréditaires depuis 1705 (avec toutefois au départ diverses rivalités familiales débouchant sur des mises à mort d’héritiers officiels). Le premier bey de la dynastie husseinite est d’ailleurs le fils d’un janissaire crétois. S’appliquent donc dans ce pays le régime des capitulations qui furent signées en 1536 à l’origine entre le royaume de France et l’empire ottoman, dans la cadre de la stratégie de François Ier visant à prendre à revers les Habsbourg. Si on peut se réclamer sujet ou protégé d’un état de l’Europe occidentale (l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne en bénéficient progressivement aussi, puis les jeunes états comme la Belgique ce qui vaudra la vie sauve à l’anarchiste Édouard Joris pour un attentat aux racines arméniennes visant le sultan en 1905) on est dispensé de certains impôts et on ne sera pas jugé par les autorités religieuses ou civiles locales mais par celles de son pays.
Jusqu’en 1880 nombre de juifs tunisiens tentent de se faire passer pour des juifs algériens (ce qui leur assure un statut de Français) ou parfois achètent un titre de protégé d’un des pays qui a signé des capitulations. L’auteur montre ensuite comment la communauté juive tunisienne se divise progressivement sous la IIIe république entre sionistes et non-sionistes. Parmi ces derniers il y en a qui se tournent vers le nationalisme tunisien, l’internationalisme (par le socialisme ou le communisme) et d’autres qui restent plutôt favorables à une assimilation à la nation française. C’est l’occasion d’évoquer des personnalités religieuses ou laïques en particulier de l’univers entre Tunis et Carthage, Sousse et Nabeul. En 1923 la loi Morinaud permet à de nombreux juifs et certains musulmans (les Maltais l’étaient depuis le décret du 8 novembre 1921) de devenir Français, afin que la proportion de nationaux français puisse dépasser celle des ressortissants italiens.
L’ouvrage est très illustré, on peut y voir entre autres les tombes du journaliste Serge Moati (père du Serge Moati qui fut directeur général de FR3 de 1982 à 1985 et est journaliste sur LCP) et du célèbre boxeur Young Pérez (Victor Younki de son vrai nom) mort en déportation en 1945 dont la BD "Young : Tunis 1911-Auschwitz 1945" d’Aurélien Ducoudray (scénario) et Eddy Vaccaro (dessin) retrace la vie. Notons chez le même éditeur la parution en 2014 de "Les juifs de Tunisie sous la botte allemande" de Jean-Pierre Allali.
L’ouvrage ne se pose pas la question des origines de la présence des israélites en Tunisie, et s’il évoque des membres, qu’il dit issus de la communauté d’origine livournaise (descendant de marranes espagnols) il n’explique pas les dates et raisons de leur arrivée dans ce pays. Rappelons également que des berbères ont été converti à la religion juive et que la Kahena, qui tient tête trente ans aux envahisseurs arabes, est peut-être de confession juive.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
https://hctc.hypotheses.org/1543?utm_source=lettre
du 27 novembre 2016 au 27 février 2017
http://information.tv5monde.com/terriennes/breitou-sala-peintre-des-emancipees-de-l-entre-deux-guerres-98508
http://www.tunisie-secret.com/Hommage-aux-Juifs-Tunisiens-par-Abdelhamid-Hanafi_a1719.html
http://www.webdo.tn/2017/06/06/aid-el-fitr-cour-husseinite-priait-hebreu/