Avis de Xirong : "La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre (Yves Lacoste)"
Cet ouvrage est paru en anglais en 2015 sous le titre de Prisoners of geography et a compté parmi les best-sellers de cette année-là. Le livre évoque la force de l’influence de la géographie dans les conflits ouverts et les tensions sous-jacentes entre divers pays, ou plus globalement dans les stratégies en matière de relations internationales de certains pays.
Le livre décrit ainsi, très bien l'impact multidimensionnel que la géographie physique et économique de l’actuelle Chine a sur sa présence dans les affaires internationales. D’après l’auteur, le ministère chinois de l’Agriculture estimerait que des terres arables du pays sont polluées ou dégradées à plus de 40% (page 91). Ne nous étonnons pas de l’achat par des sociétés chinoises de terres agricoles en Afrique et en Europe (la France étant loin d’être négligée en la matière). Pour continuer son développement économique, l’Empire du milieu non seulement construit des équipements en Afrique mais dans ce même pays essaie de mettre la main sur minerais et métiers précieux.
La Chine rénove aussi de nombreux ports de pays de l’Océan Indien depuis la Birmanie au Pakistan, avec dans cet état Gwadar, en eau profonde, ville reliée par la voie ferrée à la frontière chinoise de la province du Xinjiang , à près de 3 000 km. Ceci pour que ses bateaux de commerce y séjournent mais ces lieux côtiers peuvent servir également ultérieurement de bases militaires. L’auteur n’évalue pas le nombre de travailleurs chinois (employés par des firmes de leur pays) à l’étranger mais il est considérable et il prédit qu’un jour une prise d’otages les concernera (page 102). Le cinéma chinois a déjà mis cela en scène, nous le savons personnellement.
Sur la Chine, pour appuyer son raisonnement, l’auteur fournit des indications intéressantes, ainsi il explique que le projet chinois de canal au Nicaragua, dont l’objectif est de joindre les deux océans qui bordent ce petit pays, ne se fera très vraisemblablement pas. On apprend que depuis 2006 des trains relient directement Shanghai à Lhassa, la traversée des monts Kulun a été une performance technique extraordinaire (page 84). Ceci amène à poser la question des relations de l’état chinois avec des populations minoritaires (dont les Tibétains et les Ouïghours) et avec l’Inde. La question de Taïwan est traitée mais sans tenir compte de l’élection récente d’une présidente indépendantiste, des discours de Xi Jinping et de l’élection de Trump, le danger de conflit là est bien plus chargé de potentialités belliqueuses qu’il y a trois ou quatre ans (quand l’auteur rédigeait son ouvrage).
Avec chaque fois une ou deux cartes, de dimension malheureusement parfois réduite, sont présentées, en fonction des objectifs de géographie stratégique poursuivis, les politiques étrangères de la Russie, des USA, des pays de l’Europe occidentale, de l’Inde et du Pakistan réunis, de l’ensemble Corée et Japon, des pays du Proche-Orient (dont l'Iran). Pour les chapitres sur l’Afrique, l’Amérique latine et l’Arctique, on parlera plutôt des impacts subis dans certains pays de ces espaces.
Pour connaisseurs Peu d'illustrations