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Le populisme, Symptôme d’une crise de la démocratie

Le populisme, Symptôme d’une crise de la démocratie
L’Harmattan240 pages
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Avis de Adam Craponne : "L'idéalisation du peuple, n'est au fond qu'une entorse de plus au principe d'égalité des hommes (Emmanuel Todd)"

L’ouvrage est sous-titré Comment le néolibéralisme a triomphé en France et en Suède. Pour mener sa réflexion, Sean Scull (doté de la triple nationalité franco-américano-suédoise) a analysé les programmes politiques de la France insoumise et du Rassemblement national pour l’élection présidentielle de 2022 ainsi que ceux des législatives en Suède de la même année pour les Démocrates de Suède et le Parti de gauche. Il a également cherché des arguments anti-populistes et il les a trouvé notamment d’un côté auprès tant de Pierre-André Taguieff que de Pierre Rosenvallon ou du reportage Propagande, les nouveaux manipulateurs passé sur Arte et de l’autre avec Ann-Cathrine Jungar (professeure en sciences politiques à Stockholm) et une vidéo Veckans Juridik.

Selon certains auteurs, le populisme n’est pas une idéologie mais une vision manichéenne qui distingue le peuple vertueux des élites corrompues. Le but est de séduire les masses. Page 27, Pierre Rosanvallon « énumère cinq caractéristiques propres à cette idéologie. La première est la conception du peuple uni, s’opposant à une élite. La seconde est une théorie de la démocratie marquée par une polarisation entre le peuple et les institutions politiques, puis une démocratie directe et immédiate. La troisième caractéristique est la figure d’un "homme-peuple"  comme modalité de représentation. Le quatrième respecte de l’idéologie populiste est sa vision politique et philosophique de l’économie protectionniste, qu’il nomme le "national-protectionnisme". La cinquième et dernière caractéristique est l’unité et la diversité des populismes ». 

 

Nous rajouterons qu'une forte personnalité (plus ou moins charismatique pour leurs soutiens) ncarne les idées portées par un parti populiste, ce fut le cas avec Jean-Marie Le Pen (sa fille bénéficiant de son aura) et pour LFI de Jean-Luc Mélenchon. Si le chef du parti populiste ne possède pas une grande personnalité, un entourage se charge de lui construire des qualités exceptionnelles comme avec le général Boulanger. Dans le cadre d'un régime parlementaire, le boulangisme fut la première manifestation du populisme. 

 

Taguieff distingue un populisme protestataire venu de la gauche et un populisme identitaire porté par la droite. Certains « voient dans le populisme de gauche la solution pour sortir les démocraties libérales de leur état de crise. L’enjeu, pour le populisme de gauche, est de parvenir à construire une identité politique, à rassembler un peuple socialement hétérogène dont le combat commun résid dans l’opposition aux élites dominantes » (page 30). En 1967, Isaiah Berlin déclarait que le populisme répondait au complexe de Cendrillon, car toutes sortes de pieds peuvent entrer dans cette chaussure.  

 

L’auteur distingue le libéralisme politique du libéralisme économique. Il montre que le néolibéralisme est incompatible avec la démocratie ainsi que la communautarisation de la société fragilise la démocratie. Sean Scull offre ensuite un regard critique sur les objectifs de chacun des quatre partis choisis. Autour de LFI, il déclare que Mélenchon entend sortir d’un modèle économique basé sur la consommation et que pour lui la sphère politique doit reprendre le contrôle de l’univers économique. Il écrit également que l’objectif du RN «  est que l’économie serve l’intérêt du politique et non que le politique serve l’intérêt de l’économique » (page 112). Par contre les Démocrates de Suède ne dénoncent pas la mainmise du néolibéralisme sur la société, ce que le Parti de gauche fait clairement en s’opposant notamment aux privatisations des services publics et aux logiques d’un certain management.

 

Selon lui, dans les deux pays, on est passé d’une opposition droite/gauche à une opposition souverainistes/mondialistes. Il avance que « même si les populismes de droite et de gauche convergent sur les questions économiques, leur union est difficilement réalisable, car les questions ethnoculturelles, socioculturelles et leur histoire politique les séparent » (page 149). Les limites de ces convergences existent selon nous et la question écologique est vue de façon diamétralement différente. Le second point capital de vison opposée touche la conseption de la nation.

 

Page 159, Sean Scull avance que Démocrates de Suède et RN envisagent une nation influencée par l’ethno-nationalisme, l’idée selon laquelle il est nécessaire, pour qu’un individu soit français ou suédois, de partager une histoire commune, des traditions, une religion, des valeurs, une culture, voire dans certains cas une couleur de peau ». Il continue en précisant que LFI et le Parti de gauche ont eux une politique identitaire qui « se focalise sur la mise en avant des particularités identitaires de chaque individu, telles que l’ethnicité ou le genre. (…) Le risque à insister, à souligner et promouvoir ces différences identitaires est de contribuer remettre en question l’universalisme républicain, et surtout de participer à la crise de la démocratie par l’apparition de communautés diverses, dont l’identité se base sur des critères de différenciation et non d’union ».  

 

On apprécie en fin d’ouvrage la partie intitulée "L’instrumentalisation de la rhétorique populiste par les antipopulistes". On notera ceci : « Nous pouvons alors nous demander qui sont les véritables extrémistes ? Ne seraient-ce pas les partis de gouvernement qui, depuis quarante ans, se sont soumis au dogme néolibéral et refusent toute contradiction ? » (page 166).

 

Dans ce même quatrième chapitre, il explique que le néolibéralisme mène à la destruction de la planète, qu’en faisant entrer la Chine dans l’OMC en 2001 (et en laissant ce pays ne pas respecter les règles posées pour son adhésion) il a permis à ce pays de devenir l’usine du monde (au détriment des industries européennes), en laissant une partie de l’argent des ressources pétrolières financer le terrorisme islamique, en développant le travail précaire, en important des USA tant le communautarisme que le culte de la réussite économique, le néolibéralisme a ruiné les fondements des sociétés européennes occidentales.

 

Le passage d’un populisme de droite à un populisme de gauche, pour certains lecteurs de cet ouvrage, pourra sembler ne pas être une mission impossible chez les électeurs français. Ceci peut-être à condition certainement que certains propos de LFI soient abandonnés pour un retour vers certaines valeurs traditionnelles du camp progressiste. Les récents dissidents insoumis ouvriront-ils cette voie, déjà d’ailleurs esquissé à sa propre manière par Georges Kuzmanovic.

Pour tous publics Aucune illustration

Adam Craponne

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