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Quartiers populaires: Défaire le mythe du ghetto

Quartiers populaires: Défaire le mythe du ghetto
Amsterdam 269 pages
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Avis de Benjamin : "Le quartier populaire n’est plus ce qu’il n’a jamais été"

L’auteur démarre en revisitant ce que l’on a pu écrire autour du quartier populaire de l’Entre-deux-guerres. Le mythe du bastion ouvrier est nuancé et ses caractéristiques disparaissent  progressivement durant déjà les Trente glorieuses.

« La figure du quartier ouvrier traditionnel, que ces travaux forgent au moment où celui-ci disparaît, décrit une société locale fortement  structurée, où l’identité de quartier se confondent : ainsi se réalise, au cœur de l’espace urbain, la fusion de la classe ouvrière et de la communauté villageoise ». (page 46)

« Dans les années d’après-guerre, les catégories populaires font progressivement leur entrée dans la société d’abondance et voient rapidement décliner l’organisation sociale qui reposait sur ces espaces de centre-ville. En plus de ces changements, les politiques de rénovation urbaine alors menées dans plusieurs pays occidentaux précipitent le déclin des quartiers ouvriers ». (page 46)

Certaines communes de la banlieue parisienne deviennent des bastions ouvriers, diverses mairies passant des modérés et radicaux à la SFIO ou aux communistes entre 1919 et 1935 (comme selon nous parmi d’autres Pantin et Bondy en 1919, Vitry en 1925, Nanterre en 1935). En fait l'accès à la propriété pavillonnaire en banlieue se fait au milieu des pires difficultés et ceci amène la création de collectifs de "mal-lotis" qui contribuent eux aussi au changement d’orientation de certaines municipalités.  

Dans les années 1960, les ouvriers qualifiés déménagent vers les nouveaux logements de la périphérie alors que les populations précaires restent encore au centre-ville dans un habitat assez ancien et inconfortable voire insalubre.  Pour ce qui est des années postérieures à la fin des Trente glorieuses,  on a une accélération du phénomène d’abandon, par les classes moyennes et ouvrières qualifiés, des grands ensembles pour des zones plus résidentielles parfois pavillonnaires. « Le quartier ouvrier traditionnel comme communauté villageoise relève en partie du mythe, nourri par les rapports au peuple des intellectuels » (page 60).

Des banlieues françaises héritent par la suite du qualificatif de "ghetto" par référence aux USA. « Cette définition combine quatre critères : le stigmate de la population concernée, la contrainte de sa relégation spatiale, le confinement spatial (c’est-à-dire le regroupement de l’ensemble de la population minorisée dans un même espace), ainsi que l’emboîtement ou le parallélisme institutionnel (c’est-à-dire des formes de régulation sociale internes, portées par des institutions autonomes). Wacquant ajoute que le ghetto, comme concept, se caractérise par la combinaison de deux logiques : l’ostracisation d’une population minorisée (qu’on rejette dans des espaces spécifiques afin d’éviter la souillure des contacts avec elle) et son exploitation économique, au service du groupe dominant » (page 71).

Il s’agit de savoir sur quels critères sociologiques se fonde l’idée de " ghetto "  et quelles sont les conséquences politiques de l’usage d’un tel concept.      Pierre Gilbert poursuit en comparant les caractéristiques entre l’habitat collectif des HLM et celui de l’habitat individuel de type individuel. Nombre d’habitants de ces deux ensembles partagent les mêmes singularités, conclut notre auteur à la fin de sa première partie.

Le second volet de cet ouvrage s’intitule "Les cités : des quartiers de relégation", il développe là les conditions socio-économiques des habitants des cités et pointent combien les médias font monter une image caricaturalement négative. La dernière partie se nomme "Une culture qui fait sécession ?", notre auteur relativise l’idée que les quartiers populaires portent une contre-culture.

Pierre Gilbert choisit "Casser les ghettos… ou faire autrement" comme titre de sa conclusion. Alors que l’auteur ne souhaite pas que ces quartiers périphériques sensibles soient des lieux de contre-culture, il considère que la loi de 2004 interdisant le port des signes religieux à l’école relève d’une politique d’exclusion (page 265).  Selon nous, elle peut favoriser une assimilation qui évite une certaine ghettoïsation. Ce n’est pour autant qu’il ne faille pas condamner, comme l’auteur, certains aspects d’une politique, tiranr vers l’islamophobie, portée en particulier par la loi contre le séparatisme de 2021.   

Voici certains propos de Pierre Gilbert amorçant des solutions pour améliorer la vie des habitants de ces espaces d’exclusion potentielle : modification du comportement des forces de l’ordre, amélioration des services publics, une politique volontariste de mixité scolaire incluant le secteur de l’enseignement privé, soutien à certaines associations et aux maisons de quartier. Il s’agit « de combattre les inégalités sur plusieurs fronts (économique, sanitaire, scolaire, résidentiel, sécuritaire, etc.), par une politique réellement ambitieuse et qui, débordant largement le cadre des cités, agira sur l’ensemble des groupes sociaux et des territoires » (page 268).

 

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Benjamin

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